Page:Plotin - Ennéades, t. II.djvu/85

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
35
LIVRE DEUXIÈME.

bien dans les êtres d’ici-bas, parce que le bien s’y trouve allié à autre chose : car cette chose à laquelle le bien se trouve allié diffère du bien et produit ainsi le défaut de bien. (C’est pourquoi, « il est impossible que le mal soit détruit[1], » parce que les choses sont inférieures les unes aux autres relativement à la nature du Bien absolu, et que, se trouvant différentes du Bien dont elles tiennent leur existence. elles sont devenues ce qu’elles sont en s’éloignant de leur principe[2].

VI. Quant à cette objection que, contrairement à l’accord qui doit régner entre la vertu et le bonheur, la fortune maltraite les bons et favorise les méchants, la vraie réponse à faire c’est que rien de mal ne peut arriver à l’homme de bien, rien de bien à l’homme vicieux[3]. »

Pourquoi [dira-t-on] l’un est-il exposé à ce qui est contraire à la nature, tandis que l’autre obtient ce qui est conforme à la nature ? Comment peut-il y avoir en cela justice distributive ? Mais, si obtenir ce qui est conforme à la nature n’augmente pas le bonheur de l’homme vertueux, si être exposé à ce qui est contraire à la nature ne diminue en rien la méchanceté de l’homme vicieux, qu’importe qu’il en soit ainsi ou qu’il en soit autrement[4] ? Qu’importe aussi

    l’Aréopagite (Voy. les Éclaircissements sur ce livre, à la fin du volume), et dans Gennade, qui reproduit presque les termes de notre auteur : άλλ´ εἰ δεῖ τάλεθὲς εἰπεῖν, οὔτε ἐστί τι ἡ ϰαϰία, άλλὰ στέρησις ἀρετῆς μόνον (De la Providence, p. 11). Enfin elle a été développée particulièrement par Proclus, dans son traité De mali existentia, chap. 1 (t. I, p. 197-213, éd. de M. Cousin).

  1. C’est une phrase empruntée au Théétète de Platon. Le passage entier est cité t. I, p. 427.
  2. Voy. le développement de cette pensée dans le tome I, p. 129.
  3. « Quare multa bonis viris adversa eveniunt ? Nihil accidere bono viro mali potest… Manet in statu, et, quidquid evenit, in colorem suum trahit. Est enim omnibus externis potentior. » (Sénèque, De Providentia, ii.)
  4. Voy. Platon, République, liv. ix. Némésius a reproduit la pensée de Plotin : « Si du bonheur, qui résulte d’un assemblage de biens,