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THÉOPHRASTE.


à un corps, mais qui vit pour la première fois dans la génération, comme cela arriva, dit-on, aux âmes de Bacchus et d’Hercule le Thébain. Si l’âme remplissait là-haut une tâche particulière, elle aurait, en descendant ici-bas, laissé sa place vide, solitaire et oisive. En effet, les autres puissances [les anges] ont, dès qu’elles ont été produites, occupé la place qui leur était assignée, rempli leur tâche, leur ministère ou leur mission, et veillé sur ce qui leur était confié ; l’âme humaine au contraire, selon eux [les Néoplatoniciens], serait demeurée longtemps oisive et serait ensuite descendue dans le corps comme dans un tombeau où elle devait être enchaînée[1]. Cependant elle a pour mission d’embellir la terre (sans quoi elle ne serait point une âme d’homme), et d’y révéler les mystères de Dieu [en y remplissant sa fonction], afin qu’il n’y ait point de lieu où ne se manifeste la présence de la divinité[2] ? Il vaut donc mieux que l’âme, dès qu’elle existe, accomplisse sa tâche au lieu de demeurer si longtemps stérile et imparfaite, en ne faisant absolument rien et en ignorant complètement sa puissance : car c’est l’acte qui révèle et qui fait connaître la puissance[3].

VIII. L’âme, ayant commencé d’être, peut-elle être immortelle[4]  ?

L’âme est immortelle par sa nature et par la volonté de Dieu. D’un côté, l’âme humaine est une essence raisonnable qui se meut toujours et qui est libre, qui possède la vie par elle-même et peut la communiquer au corps organisé[5]. D’un autre côté, Dieu, en nous accordant l’existence, nous a en même temps accordé la perpétuité de l’existence.


IX. Quoique Dieu crée continuellement de nouvelles âmes, le nombre n’en est pas infini, parce que le monde a eu un commencement et qu’il aura une fin[6].

Le nombre des âmes est limité par la durée même du monde, qui a eu un commencement et qui aura une fin[7]. En effet, le monde a eu un commencement, comme Platon l’enseigne dans le Timée[8], parce qu’il est composé de

  1. C’est la doctrine de Platon. Voy. ci-dessus p. 674.
  2. Voy. Plotin, Enn. IV, liv. VIII, § 5.
  3. Voy. ibid.
  4. Éd. Boissonade, p. 44-45.
  5. Voy. Plotin, Enn. IV, liv. VII, § 9.
  6. Éd. Boissonade, p. 46-56.
  7. La réfutation de la doctrine des Néoplatoniciens sur l’éternité du monde est le sujet du dialogue composé sous le titre d’Ammonius par Zacharie le Scolastique, et publié par M. Boissonade à la suite du Théophraste d’Énée de Gaza.
  8. Voy. Platon, Timée, p. 28.