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JAMBLIQUE.


et de cette manière, comme le croit Porphyre[1], elle subsiste sans subir de changement ; ou bien la Vie irrationnelle totale subsiste séparée du principe pensant et est conservée dans le monde, comme l’enseignent les prêtres anciens[2].

Il y a à peu près la même différence dans les opinions relatives aux substances intermédiaires entre l’âme et le corps. — Les uns introduisent immédiatement l’âme dans le corps organisé, comme le font la plupart des Platoniciens. — D’autres pensent qu’entre le corps solide et l’âme incorporelle et angélique il y a des vêtements étherés, célestes, spirituels[3], qui, enveloppant la vie intellectuelle, sont

  1. Selon Proclus (Comm. sur le Timée, p. 811). Porphyre croyait que le véhicule éthéré, avec lequel il identifiait la puissance irrationnelle de l’âme, était, lorsque l’âme retournait au monde intelligible, réuni aux astres auxquels il avait été emprunté (Voy. les Principes de la théorie des intelligibles, § XXIII, t. I, p. LXV). Jamblique pensait au contraire que la puissance irrationnelle et le véhicule éthéré, non-seulement survivaient à la mort, mais encore conservaient leur individualité.
  2. Il s’agit sans doute ici des Orphiques. Voy. ci-dessus, § X, p. 646.
  3. Les vêtements éthérés, célestes et spirituels, dont parle ici Jamblique, sont l’esprit ou corps éthéré qui, selon la plupart des philosophes néoplatoniciens, jouait le rôle d’intermédiaire entre l’âme raisonnable et le corps terrestre : « Toute âme particulière, dit Proclus, a un véhicule immatériel, indivisible, et impassible par son essence… Le véhicule de toute âme descend par l’addition d’enveloppes de plus en plus matérielles ; il remonte avec l’âme, quand il est purifié de la matière et qu’il revient à sa forme propre, dans la même proportion que l’âme qui se sert de lui. L’âme descend en effet d’une manière irrationnelle, en prenant des puissances irrationnelles, et elle remonte en se dépouillant de toutes les facultés propres à la génération dont elle s’était revêtue en descendant. » (Éléments de Théologie, § CCVIII, CCIX.) Synésius, dans son traité Des Songes : (p. 136-138), a développé la théorie néoplatonicienne de l’esprit intermédiaire entre l’âme et le corps : « L’Imagination est le sens des sens, parce que l’esprit imaginatif est le sens commun et le corps premier de l’âme… L’esprit imaginatif est le premier et le propre véhicule de l’âme : il devient subtil et éthéré, lorsque celle-ci s’améliore, épais et terrestre, lorsque celle-ci se déprave. Il a en effet une nature intermédiaire entre le raisonnable et l’irraisonnable, entre l’incorporel et le corporel ; il est leur limite commune ; il lie le divin à ce qui tient le dernier rang… Cet esprit psychique, que les hommes bienheureux ont appelé l’âme spirituelle, devient par sa disposition un dieu, ou un démon de forme variée, ou une image, et c’est dans cette image que l’âme expie ses fautes… Avec du travail et du temps, l’esprit imaginatif peut remonter au ciel après s’être purifié dans plusieurs existences successives, etc. » Cette doctrine est exposée tout au long par Cudworth dans son Système intellectuel, p. 1027. La nature plastique de ce philosophe