Page:Plotin - Ennéades, t. II.djvu/694

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
644
JAMBLIQUE.


au composé de l’âme et du corps). Platon, au contraire, commence par rapporter à l’âme tous les actes, puis il détermine ceux qui lui sont communs avec l’animal. Pythagore et Platon, se fondant sur ce principe que l’essence de l’âme est supérieure à la nature [c’est-à-dire à la puissance végétative et générative] et l’engendre, lui rapportent les actes les plus élevés et les plus importants ; ils enseignent qu’elle n’a point la nature pour principe, mais qu’elle est son principe à elle-même, qu’elle gouverne par elle-même et en elle-même ses propres fonctions, enfin que tous les mouvements qui sont nobles, beaux, supérieurs à la nature, appartiennent exclusivement à l’âme.

Les Platoniciens eux-mêmes diffèrent entre eux d’opinion : les uns, comme Plotin et Porphyre[1], rapportent à un seul ordre et à une seule idée[2] les fonctions, les facultés et les diverses espèces de vie ; d’autres, comme Numénius, les opposent pour la lutte[3] ; d’autres enfin, comme Atticus et Plutarque [de Chéronée], de la lutte font sortir l’harmonie[4].

Les Platoniciens disent encore que les âmes, entraînées primitivement par des mouvements désordonnés et coupables, sont entrées dans des corps pour communiquer l’ordre et la beauté à ce qui est au-dessous d’elles[5] ; c’est de cette manière qu’ils établissent l’harmonie entre les âmes et les corps. Quant à la cause qui a déterminé les âmes à faire descendre leur action [sur la matière], c’est, selon Plotin, la première diversité[6] ; selon Empédocle, le premier

  1. Voy. Plotin, Enn. IV, liv. IX, § 3 ; et Porphyre, Principes de la théorie des intelligibles, § xxxix, t. I, p. lxxx.
  2. Jamblique a déjà employé la même expression au début du § iii en parlant de Platon.
  3. Numénius admettait qu’il y a en nous deux âmes, l’une rationnelle, l’autre irrationnelle (Porphyre, Des Facultés de l’âme, t. I, p. xc). De même, il supposait qu’il y a dans le monde deux âmes, l’une bonne, l’autre mauvaise (Chalcidius, in Timœum, p. 396).
  4. Selon Atticus et Plutarque, nous avons deux âmes, l’une irraisonnable et mauvaise, incorporée à la matière, et l’autre raisonnable et bonne, qui vient s’ajouter à l’autre et la soumettre à son empire, comme Jamblique explique ci-après (p. 651). Il en est de même dans le monde. La matière existait avant sa formation, et il y avait au milieu d’elle une âme irraisonnable et mauvaise qui l’agitait d’un mouvement désordonné. Dieu lui unit une âme raisonnable et fit ainsi sortir l’ordre du chaos. Voy. Plutarque, De la Formation de l’âme, 4 ; Proclus, Commentaire sur le Timée, p. 84, 99, 116, 119, 173, 184.
  5. Voy. Plotin, Enn. IV, liv. VIII, § 5.
  6. Voy. Plotin, Enn. V, liv. I, § 1. Outre l’expression de première diversité, ce philosophe emploie celle d’audace (τόλμα (tolma)), terme dont se servaient les Pythagoriciens pour désigner la dualité, comme osant la première se séparer de l’unité.