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LIVRE DEUXIÈME.
DE LA PROVIDENCE[1].
PREMIÈRE PARTIE.

I. Rapporter au hasard et à la fortune (τῷ αὐτομάτῳ ϰαὶ τῇ τύχῃ) l’existence et la constitution de l’univers[2], c’est commettre une absurdité et parler en homme dépourvu de sens et d’intelligence : cela est évident même sans démonstration, et d’ailleurs nous l’avons déjà dans plusieurs passages pleinement démontré par de solides raisons[3]. Mais [si le monde ne doit pas son existence et sa

  1. Pour les Remarques générales, Voy. les Éclaircissements sur ce livre à la fin du volume. On y trouvera un résumé complet de la doctrine de Plotin sur la Providence et l’indication des emprunts qu’il a faits à Platon, à Aristote et aux Stoïciens.
  2. Plotin fait allusion à la doctrine d’Épicure qui niait la Providence divine et expliquait par le hasard l’ordre de l’univers (Diogène Laërce, liv. X, 133). Ce début rappelle en outre un passage de Platon : « Socrate. Dirons-nous qu’une puissance dépourvue de raison, téméraire et agissant au hasard, gouverne toutes choses et ce que nous appelons l’univers ? ou au contraire, comme l’ont dit ceux qui nous ont précédés, qu’une intelligence, une sagesse admirable a formé le monde et le gouverne ? Protarque. Quelle différence entre ces deux sentiments ? Il ne me paraît pas qu’on a puisse soutenir le premier sans crime… Socrate. Ainsi, tu diras qu’il y a dans Jupiter, en qualité de cause, une âme royale, une intelligence royale. » (Philèbe ; t. II, p. 341-347 de la trad. de M. Cousin.) On trouve aussi la même pensée dans Philon (Allégories de la Loi, III, p. 93, éd. Mangey).
  3. Voy. Enn. IV, liv. ii et iv ; Enn. VI, liv. vii.