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JAMBLIQUE.


l’âme [parce que l’âme est indivisible en elle-même] ; d’un autre côté, elles sont congénères et subsistent ensemble en une seule idée, en tant que l’essence de l’âme est composée [parce que l’âme a trois vies qui sont d’essence différente][1]. Aristote, qui conçoit également l’âme comme une essence simple et incorporelle, laquelle consomme la forme[2], ne croit pas que les facultés soient dans l’âme comme dans un composé[3]. — Au contraire, les sectateurs de Zénon et de Chrysippe et tous ceux qui font de l’âme un corps, regardant les facultés comme les qualités du sujet, et l’âme comme la substance qui est le sujet des qualités, constituent avec ces deux choses une nature qui est composée d’éléments hétérogènes. Dans ce système, les facultés appartiennent soit à l’âme elle-même, soit à ce qui possède l’âme, c’est-à-dire à l’animal considéré avec le corps.

Pour les philosophes tels que Pythagore et Platon[4], d’après lesquels l’âme à une double vie, parce qu’elle vit en elle-même et dans le corps[5], les facultés sont présentes à l’âme d’une autre manière qu’à l’animal. — Au contraire, pour les philosophes d’après lesquels l’âme n’a point d’autre vie que celle du composé, parce qu’elle forme un mixte avec le corps, comme le disent les Stoïciens ; ou parce qu’elle communique toute sa vie à l’animal, comme le prétendent les Péripatéticiens, les facultés[6] n’ont qu’un seul mode de présence : elles sont mélangées à l’animal tout entier, ou bien l’animal tout entier y participe.

Comment donc les facultés diffèrent-elles l’une de l’autre ?

  1. Jamblique explique cette phrase à la fin du § 3, p. 635.
  2. Heeren propose de lire τελεσιουργοῦ (telesiourgou) au lieu de τελεσιουργὸν εἴδους (telesiourgon eidous). Ce changement ne semble pas nécessaire : les deux mots employés par Jamblique paraissent être l’équivalent d’ἐντελέχεια (entelecheia), qui signifie, comme on le sait, le complément, la réalité parfaite du corps. Voy. ci-après, p. 676.
  3. Aristote dit que l’âme n’a point de parties (De l’Âme, I, 5, p. 168 de la trad. fr.). Voy. aussi ce que Jamblique dit sur les Péripatéticiens à la fin du § III, p. 635.
  4. Dans ce passage et dans d’autres qui suivent, Jamblique attribue évidemment à Pythagore les idées des Néopythagoriciens, et à Platon celles des Néoplatoniciens.
  5. Les sages disent que l’âme a une double vie, l’une qui lui est commune avec le corps, l’autre qui est séparable de tout le corps : pendant la veille, nous usons surtout de la vie qui nous est commune avec le corps, sauf les moments où nous nous séparons tout à fait de lui par les conceptions pures de l’intelligence et de la raison discursive ; mais, pendant le sommeil, nous sommes complètement affranchis des entraves qui nous enchaînent, et nous usons de la vie qui est séparée de la génération. » (Des Mystères des Égyptiens, 3.)
  6. Il faut sous-entendre δυνάμεις (dunameis) et non ψυχαὶ (psuchai), comme Heeren le dit par erreur.