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TROISIÈME ENNÉADE.


X. La conclusion de cette discussion, c’est que tout est annoncé et produit par des causes, et qu’il y en a de deux espèces, l’âme humaine d’abord, puis les circonstances extérieures. Quand l’âme agit conformément à la droite raison, elle agit librement[1]. Hors de là, elle est entravée dans ses actes, elle est plutôt passive qu’active. Donc, quand elle manque de prudence, les circonstances extérieures sont causés de ses actes : on a raison de dire alors qu’elle obéit au Destin, surtout si l’on regarde le Destin comme une cause extérieure. Au contraire, les actes vertueux dérivent de nous-mêmes : il nous est naturel d’en produire quand nous sommes indépendants. Les hommes vertueux agissent, font le bien librement. Les autres ne font le bien que quand leurs passions les laissent respirer : si, dans ces intervalles, ils pratiquent les préceptes de la sagesse, ce n’est pas qu’ils les reçoivent d’un autre être, c’est uniquement parce que leurs passions ne les empêchent pas alors d’écouter la voix de la raison.

  1. Pour connaître complètement la doctrine de Plotin sur la liberté humaine, il faut rapprocher de ce livre les trois livres suivants (De la Providence, I et II ; Du Démon qui nous est échu) et le livre VIII de l’Ennéade VI (De la Volonté et de la Liberté de l’Un). Proclus a reproduit et développé la doctrine de Plotin dans son traité De Providentia et Fato et eo quod in nobis, III, X-XX (t. I, p. 13, 24-38, éd. de M. Cousin). Voici un passage dans lequel il résume ses idées à ce sujet : « Anima autem rursum ostensa alia esse ea quæ a corporibus separabilis, et alia ea quæ in corporibus plantata ; manifestum flet tibi, quæ quidem ; quæ αὐτοξούσιον (autoxousion), id est libertatem arbitrii habet et τὸ (to) quod in nobis ; quæ autem quæ necessitati servit et sub Fato ducitur, et ubi horum complicatio, propter quam hæc quidem hebetat τὸ αὐτεξούσιον (to autexousion), propter deteriorem vitam ; hæc autem participat aliquo idolo electionis propter meliorem vicinitatem [vicinam ?] ipsi animam. » On voit que pour Proclus, comme pour Plotin, l’âme raisonnable est libre quand elle vit de la vie rationnelle, et s’asservit au Destin quand elle s’abaisse à la vie animale, Voy. les Éclaircissements du tome I, p. 471-472.