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QUATRIÈME ENNÉADE, LIVRES III, IV, V.


2o Les idées qu’elle a pu acquérir depuis la séparation : ces dernières germent, pour ainsi dire, sous l’influence des autres substances séparées et par l’action de la lumière divine. L’âme se contemple directement ; elle se connaît, et, en se connaissant, elle connaît toutes les autres substances séparées, quoique d’une manière imparfaite. Elle connaît toutes les choses naturelles, mais cette connaissance est générale, indéterminée et restreinte au présent. Elle possède toutes ses facultés rationnelles, et leur développement est même plus énergique ; la sensibilité n’existe plus chez elle que virtuellement.

Tel est, en résumé, le tableau de l’état intellectuel de l’âme séparée ; ou plutôt, tel serait cet état si l’âme obéissait alors aux lois de sa nature. Mais Dieu, dans sa toute-puissance et son infinie bonté, l’améliore considérablement en faveur de ses élus. Aussi, chaque fois que saint Thomas a l’occasion d’y signaler quelque imperfection, il a grand soin d’ajouter aussitôt qu’il ne parle que des connaissances qui appartiennent aux âmes séparées, en vertu de leur nature, et que, par la grâce divine, leur intelligence devient égale à celle des anges[1]. »

Si maintenant l’on veut bien se reporter aux indications que nous avons données p. 579-580 sur l’état de l’âme après la mort selon Plotin, on reconnaîtra facilement que la doctrine de notre auteur est identique à celle de saint Thomas, pourvu qu’on ne considère dans cette dernière que la partie purement philosophique. Cet accord remarquable sur une question spéculative si élevée nous paraît s’expliquer par ce fait que Plotin et saint Thomas sont partis des mêmes principes pour la résoudre, en s’appuyant l’un sur Platon et Aristote, l’autre sur Aristote et saint Augustin.

D. Auteurs arabes.

On trouve dans les philosophes arabes du moyen âge, tels que Maïmonide (que nous avons déjà cité, p. 170) et Ibn-Gébirol (Avicébron), des idées qu’ils ont sans doute empruntées à Plotin par des intermédiaires. Voici deux passages d’Ibn-Gébirol qui sont remarquables sous ce rapport :

Sensation. — « Si nous disons que toutes les formes sensibles subsistent dans la forme de l’âme, on doit entendre par là que toutes les formes se réunissent dans la sienne, c’est-à-dire que l’âme, par sa nature et son être, est une essence qui renferme essentiellement

  1. Quodl. Quœst., de anima, art. 17.