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TROISIÈME ENNÉADE, LIVRE IX.


devons donc admettre que ce qui n’a pas de but vers lequel il soit mû reste immobile, et que ce qui naît de ce principe doit en naître sans que ce principe cesse d’être tourné vers lui-même. Éloignons de notre esprit toute idée d’une génération opérée dans le temps. Il s’agit ici de choses éternelles. C’est seulement pour établir entre elles un rapport d’ordre et de causalité que nous parlons ici de génération[1]. Ce qui est engendré par l’Un doit être engendré par lui sans qu’il soit mû ; s’il était mû, ce qui serait engendré par lui tiendrait le troisième rang au lieu d’occuper le second [serait l’Âme au lieu d’être l’Intelligence].... Ce qui est éternellement parfait engendre éternellement, et ce qu’il engendre est éternel, mais inférieur au principe générateur. Que faut-il donc penser de Celui qui est souverainement parfait ? N’engendre-t-il pas ? Tout au contraire, il engendre ce qu’il y a de plus grand après lui. Or, ce qu’il y a de plus parfait après lui, c’est le principe qui tient le second rang, l’Intelligence. L’Intelligence contemple l’Un, et n’a besoin que de lui ; mais l’Un n’a pas besoin de l’Intelligence. Ce qui est engendré par le Principe supérieur à l’Intelligence est nécessairement l’Intelligence : celle-ci est ce qu’il y a de meilleur après l’Un, puisqu’elle est supérieure à tous les autres êtres. L’Âme est en effet le verbe et l’acte de l’intelligence, comme l’Intelligence est le verbe de l’Un. Mais l’Âme est un verbe obscur : étant l’image de l’Intelligence, elle doit contempler l’Intelligence, comme celle-ci doit, pour exister, contempler l’Un. Si l’Intelligence contemple l’Un, ce n’est pas qu’elle s’en trouve séparée, c’est seulement parce qu’elle est après lui. Il n’y a nul intervalle entre l’Un et l’Intelligence, non plus qu’entre l’Intelligence et l’Âme. Tout être engendré désire s’unir au principe qui l’engendre, et il l’aime, surtout quand Celui qui engendre et Celui qui est engendré sont seuls. Or, quand Celui qui engendre est souverainement parfait, Celui qui est engendré doit lui être si étroitement uni qu’il n’en soit séparé que sous ce rapport qu’il en est distinct (σύνεστιν αὐτῷ, ᾥστε τῇ ἑτερότητι μόνον ϰεχορίσθαι).

  1. Victorinus a reproduit cette idée dans les vers suivants, où, attribuant l’être au Père et le mouvement au Fils, il dit que la génération du Fils n’implique qu’une idée d’ordre et de causalité :

    Esse enim prius est, sic moveri posterum ;
    Non quo tempus illi adsit, sed in divinis ordo virtus est.
    Esse nam præcedit motum, re prius, non tempore.

    (De Trinitate hymnus I.)