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TROISIÈME ENNÉADE, LIVRES II ET III.


des Lois (t. VIII, p. 224-229, tr. fr.), que, si le monde est le produit du hasard, les lois et la morale ne sont plus que de pures inventions humaines, et que, par conséquent, Il n’y a ni devoir, ni morale, ni d’autre autorité dans ce monde que celle de la force. Nier l’existence des dieux, c’est, selon Platon, se méprendre sur la nature du monde, qui ne peut être conçu sans une âme pleine de sagesse et de bonté : car il est plein d’harmonie, et la perfection de l’effet prouve l’excellence de la cause. Dans le Timée (t. XII, p. 195, tr. fr.), Dieu est appelé l’auteur, le père et l’architecte du monde : il l’a fait à l’image du modèle éternel (de l’animal en soi), qui comprend toutes les perfections. Il s’est servi des lois de l’univers pour arriver à ses fins, mais il a mis lui-même le bien dans toutes les choses engendrées ; c’est sa bonté qui l’a porté à créer : « Disons la cause qui a porté le suprême Ordonnateur à produire et à composer cet univers. Il était bon, et celui qui est bon n’a aucune espèce d’envie. Exempt d’envie, il a voulu que toutes choses fussent, autant que possible, semblables à lui-même. Quiconque, instruit par des hommes sages, admettra ceci comme la raison principale de l’origine et de la formation du monde sera dans le vrai. »

Enfin, dans le Théétète, le Phèdre, le Politique, la République, les Lois et le Timée[1], Platon complète sa doctrine sur le Providence divine en expliquant l’origine du mal par la nature de la matière et par la liberté de l’homme[2].

Il est facile de reconnaître en lisant l’œuvre de Plotin qu’il s’est approprié les principes de la Théodicée de Platon, mais en les complétant ou en les transformant. En effet, il résout plusieurs questions pour lesquelles son maître n’avait pas donné de solution entièrement satisfaisante. Il rattache à Dieu les deux éléments qui constituent tous les êtres, la forme et la matière : la forme est une idée, ou une raison, c’est-à-dire une essence et une puissance[3] ; qui

  1. Voy. les passages du Théétète, du Phèdre, du Politique, des Lois et du Timée que nous avons cités dans notre tome I, p.177 (note 2), 427-431, 468-470.
  2. La doctrine de Platon sur la Providence divine a été résumée ou commentée par Alcinoüs (Introduction à la philosophie de Platon), Atticus (dans Eusèbe, Préparation évangélique, XV, 5), Plutarque (Du Destin, Des Délais de la justice divine). À ces ouvrages, il faut joindre un écrit important de Philon : Philonis judæi sermones tres hactenus inediti, I et II De Providentia, et III De Animalibus (ex Armeniaca versione nunc primum in Latinum fideliter translati per P.-J. Bapt. Aucher, Venetiis, 1822).
  3. Voy. notre tome I, p. 101, note 1 ; p. 197, note. Sur la différence qui existe entre la théorie des idées de Platon et celle de Plotin, Voy. t. I, p ; 321, note 2.