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QUATRIÈME ENNÉADE.


nous sommes naturellement portés à nous épancher, à aimer : car l’amour est un fait dont l’origine se rattache à la question qui nous occupe. Enfin, si les enchantements et les charmes magiques attirent des individus l’un vers l’autre, amènent à sympathiser des personnes éloignées, ces effets ne peuvent s’expliquer que par l’unité d’âme. Des paroles prononcées à voix basse affectent une personne éloignée et lui font entendre ce qui est à une grande distance. Par là on voit l’unité de tous les êtres (ἑνότης ἀπάντων), unité qui résulte de ce que l’Âme est une.

Mais, si l’Âme est une, pourquoi telle âme particulière est-elle raisonnable, telle autre irraisonnable, telle autre végétative ? C’est que la partie indivisible de l’Âme consiste dans la raison, qui ne se divise pas dans les corps, tandis que la partie de l’Âme divisible dans les corps (qui, étant une en elle-même, se divise cependant dans les corps, parce qu’elle répand partout le sentiment) doit être regardée comme une autre puissance de l’Âme [la puissance sensitive][1] ; de même, la partie qui façonne et produit les corps est encore une autre puissance [la puissance végétative] ; toutefois, cette pluralité de puissances ne détruit pas l’unité de l’Âme[2]. Dans une semence, il y a aussi, plusieurs puissances ; cependant cette semence est une, et de cette unité naît une multiplicité qui forme une unité. — Mais pourquoi toutes les puissances

  1. Voy. ci-dessus, liv. III, § 19, p. 301-302.
  2. Cette théorie est citée par Thémistius : « Quelques-uns des anciens et des modernes ont examiné cette question : Toutes les âmes forment-elles une seule âme ? Il vaudrait mieux examiner si tous les hommes n’en forment qu’un : car s’il y a, selon ces philosophes, une Âme une et séparable, cependant ses puissances sont multiples et diffèrent évidemment les unes des autres ; ainsi, la puissance végétative diffère de la puissance sensitive, et celle-ci diffère elle-même de la puissance appétitive. Mais, pour l’intelligence, et surtout pour l’intelligence contemplative, il est raisonnable et nécessaire d’examiner si tous ceux qui y participent ont la même essence en acte, etc. » (Paraphrase du Traité de l’Âme, III, p. 90.)