Page:Plotin - Ennéades, t. II.djvu/540

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
490
QUATRIÈME ENNÉADE.


devait pas être arrêté ni circonscrit dans son action par jalousie[1], il fallait qu’il y eût une procession continue (χωρεῖν ἀεί), jusqu’à ce que, de degré en degré, toutes choses fussent descendues jusqu’aux dernières limites du possible[2] : car c’est le caractère d’une puissance inépuisable de communiquer ses dons à toutes choses, de ne pas souffrir qu’aucune d’elles en soit déshéritée, puisqu’il n’y a rien qui empêche chacune d’elles de participer à la nature du Bien dans la mesure où elle en est capable. La matière ayant existé éternellement, il était impossible que, des qu’elle existait, elle ne participât pas à ce qui communique le bien à toutes les choses dans la mesure où elles sont capables de le recevoir [c’est-à-dire à la forme[3]]. Si la génération de la matière a été la conséquence nécessaire de principes antérieurs, il ne fallait cependant pas qu’elle fût totalement privée du bien par l’impuissance où elle se trouvait primitivement, quand la cause qui lui a communiqué gratuitement l’être demeurait renfermée en elle-même.

Ainsi, c’est la beauté des choses sensibles qui révèle l’excellence, la puissance et la bonté des essences intelligibles, et il y a une connexion éternelle entre les essences intelligibles, qui existent par elles-mêmes, et les choses sensibles, qui en tiennent éternellement l’être par participation et qui imitent la nature intelligible autant qu’elles le peuvent.

VII. Comme il y a deux essences, l’une intelligible, l’autre sensible[4], il est préférable pour l’âme de vivre dans

  1. Voy. ci-après, p. 511.
  2. Voy. t. I, p. 129, note.
  3. Voy. t. I, p. 199.
  4. Voy. le passage du Timée cité ci-dessus, p. 260, note 1. Après avoir commenté ce passage de Platon, Proclus cite Plotin en ces termes : « Ceux qui expliquent d’une manière plus philosophique les paroles de Platon disent, comme le fait Plotin, que l’âme raisonnable tient le milieu entre l’intelligence et la sensibilité, la première étant absolument indivisible, et la seconde étant divisible dans les corps. » (Commentaire sur le Timée, p. 187.)