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QUATRIÈME ENNÉADE.


D’abord, nos âmes, chargées d’administrer des corps moins parfaits que le monde, devaient y pénétrer profondément pour les maîtriser, parce que les éléments de ces corps tendent à se diviser et à revenir à la place qui leur est propre, tandis que, dans l’univers, toutes choses sont naturellement établies à leur place[1]. En outre, nos corps exigent une prévoyance active et vigilante, parce qu’ils sont exposés à mille accidents par les objets qui les entourent, qu’ils ont toujours une foule de besoins, qu’ils réclament une protection continuelle contre les dangers qui les menacent[2]. Mais le corps du monde est parfait et complet : il se suffit à lui-même, il n’a rien à souffrir de contraire à sa nature ; par conséquent, il n’a besoin de recevoir de l’Âme universelle qu’un simple ordre, pour ainsi dire : aussi celle-ci peut-elle rester dans la disposition que sa nature la porte à vouloir conserver, demeurer impassible, n’éprouver aucun besoin. C’est pourquoi Platon dit que, lorsque notre âme vit avec cette Âme parfaite, elle devient elle-même parfaite, plane dans la région éthérée et gouverne le monde entier[3]. Tant que notre âme ne s’éloigne pas de cette Âme pour entrer dans un corps et appartenir à un individu, elle administre facilement le monde, conjointement avec l’Âme universelle et de la même manière. Ce n’est donc pas absolument un mal pour l’âme de communiquer au corps l’être et la perfection, parce que les soins providentiels accordés à une nature inférieure n’empêchent pas celui qui les accorde de rester lui-même dans l’état de perfection.

Il y a en effet dans l’univers deux espèces de Providence [l’une universelle, l’autre particulière[4]] : la première, sans

  1. Voy. ci-dessus, p. 283-289.
  2. Voy. ci-dessus, p. 297-298.
  3. Voy. le passage de Platon cité ci-dessus, p. 89, note 2.
  4. La première espèce de Providence appartient à la Puissance principale de l’Âme universelle ; la seconde, à la Puissance naturelle et végétative. Voy. ci-dessus, p. 20 et p. 349, note 1.