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LIVRE SEPTIÈME.


toute plante est dans la racine, si c’est autour d’elle et par le bas que se produit la croissance[1], comme cela a lieu dans beaucoup de plantes, il est évident que l’âme végétative, abandonnant toutes les autres parties, s’est concentrée dans la racine seule ; elle n’était donc point répandue dans la plante entière comme une entéléchie inséparable. Ajoutez que cette âme, avant que la plante ne grandisse, est déjà contenue dans le petit corps [de la semence]. Si donc, après avoir vivifié une grande plante, l’âme végétative peut se resserrer dans un petit espace, si d’un petit espace elle peut se répandre dans la plante entière, qui empêche qu’elle ne soit entièrement séparable de la matière ?

Comment d’ailleurs, étant indivisible, l’entéléchie du corps divisible deviendrait-elle divisible comme lui ? En outre, la même âme passe du corps d’un animal dans le corps d’un autre animal. Comment l’âme du premier deviendrait-elle l’âme du second, si elle n’était que l’entéléchie d’un seul ? L’exemple des animaux qui se métamorphosent rend évidente cette impossibilité. L’âme n’est donc pas la simple forme d’un corps ; c’est une véritable essence (οὐσία)[2], qui ne doit pas l’existence à ce qu’elle est édifiée sur le corps, et qui existe, au contraire, avant de devenir l’âme de tel animal. Ce n’est donc pas le corps qui engendre l’âme[3].

  1. « Ce qui fait que de toutes les plantes on peut dire qu’elles vivent, c’est qu’elles paraissent avoir en elles-mêmes une force et un principe dont elles firent leur accroissement et leur dépérissement en sens contraires. Car on ne saurait soutenir qu’elles croissent par en haut seulement et non par en bas ; elles se développent et se nourrissent également des deux manières et en tous sens, et elles continuent de vivre tout le temps qu’elles peuvent prendre de la nourriture. » (Aristote, De l’Âme, II, 2, p. 174 de la tr. fr.).
  2. οὐσία, que nous traduisons par essence, correspond ici à ce que la philosophie moderne appelle la substance. Mais pour Plotin, comme pour Platon, la substance se confond avec la matière.
  3. On peut rapprocher de cette régulation de la doctrine