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QUATRIÈME ENNÉADE.


Péripatéticiens eux-mêmes sont-ils obligés d’introduire [dans la nature humaine] une autre âme, savoir, l’intelligence pure (νοῦς), qu’ils font immortelle[1]. Il faut donc que l’âme raisonnable soit entéléchie autrement qu’ils ne l’entendent, si toutefois il convient de se servir encore de ce nom.

Quant à l’âme sensitive, qui conserve les formes des objets sensibles précédemment perçus, elle doit les conserver sans le corps. Sans cela, ces formes seraient en elle comme des figures et des images corporelles. Or, si ces formes étaient de cette manière dans l’âme sensitive, elles ne pourraient y être reçues autrement [qu’en qualité d’empreintes corporelles]. C’est pourquoi, si l’on admet la réalité de l’entéléchie, elle n’est pas inséparable du corps. La partie concupiscible elle-même, non pas celle qui nous fait sentir le besoin de boire et de manger, mais celle qui désire les choses indépendantes du corps, ne saurait davantage être une entéléchie inséparable[2].

Reste l’âme végétative. On pourrait supposer que celle-ci du moins est une entéléchie inséparable. Mais cela ne convient pas non plus à sa nature. Car, si le principe de

  1. « On ne saurait ici encore rien affirmer de fort clair ni de l’intelligence, ni de la faculté de percevoir ; mais l’intelligence semble être un autre genre d’âme et le seul qui puisse être isolé du reste, comme l’éternel s’isoler du périssable. Quant aux autres parties de l’âme, les faits prouvent bien qu’elles ne sont pas séparables, comme on le soutient quelquefois. Mais, au point de vue de la raison, elles sont différentes évidemment : car c’est tout autre chose d’être sensible et d’être pensant, parce que sentir et juger sont choses très-différentes. Et de même pour chacune des facultés qu’on vient de nommer… Ce n’est point lorsque tantôt elle pense et tantôt elle ne pense pas, c’est seulement quand elle est séparée que l’intelligence est vraiment ce qu’elle est, et cette intelligence seule est immortelle et éternelle. » (Aristote, De l’Âme, II, 2 ; III, 5 ; p. 176, 304 de la trad. de M. Barthélemy-Saint-Hilaire.)
  2. Voy. le passage d’Aristote cité t. I, p. 369.