Page:Plotin - Ennéades, t. II.djvu/500

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
450
QUATRIÈME ENNÉADE.


partout identique à lui-même[1] ; or, de tous les êtres, le corps est la substance à laquelle cette identité peut le moins convenir.

VIII. [Impossibilité pour le corps de penser.]

[A[2]] L’âme ne saurait non plus penser si elle était un corps, de quelque sorte que ce fût. En voici la démonstration.

Pour l’âme, sentir, c’est percevoir les objets sensibles en se servant du corps[3] ; penser ne peut donc également consister à percevoir au moyen du corps[4] ; sinon, sentir et penser ne seraient qu’une seule et même chose. Ainsi, penser doit consister à percevoir sans le secours du corps[5] ; donc, à plus forte raison, le principe pensant doit n’être

    la honte et il pâlit lorsqu’elle éprouve de la crainte ; l’âme est donc un corps. » (Némésius, De la Nature de l’homme, chap. II ; p.35 de la trad. de M. Thibault).

  1. Voici comment saint Augustin résume cette argumentation : « In omnibus [particulis corporis] et in singulis tota [anima] est. Neque enim aliter, quod in corpore etiam non toto sentit, tamen tota sentit. Nam, quum exiguo puncto in carne viva aliquid tangitur, quamvis locus ille non solum corporis totius non sit, sed vix in corpore videatur, animam tamen totem non latet ; neque id quod sentitur per corporis cuncta discurrit, sed ibi tantum sentitur ubi fit. Unde ergo ad totam mox pervenit quod non in toto fit, nisi quia et ibi tota est ubi fit, neque ut tota ibi sit, cetera deserit ? etc. » (S. Augustin, Lettre CLXVI, De Origine animœ hominis, § 2.) Voy. encore ci-dessus. p. 257, note 2.
  2. On ne trouve dans les traductions de Ficin et de Taylor que la partie du § 8 qui est désignée ici par la lettre A. Voy. les Éclaircissements sur ce livre à la fin du volume.
  3. τὸ αἰσθάνεσθαι ἐστι τῷ σώματι προσχοωμένοην τὴν ψυχὴν ἀντιλαμϐάνεσθαί τῶν αἰσθητῶν. Voy. ci-dessus. p. 364.
  4. τὸ διὰ σώματος ϰαταλαμϐάνειν. C’était l’expression employée par Zénon. Pour les Stoïciens, l’acte principal de l’intelligence était la vision compréhensive, φαντασία ϰαταληπτιϰή. Voy. M. Ravaisson, Du Stoïcisme (Mém. de l’Acad. des Inscriptions et Belles-Lettres. t. XXI, p. 32, 34.)
  5. τὸ νοεῖν ἐστι τὸ ἄνευ σώματος ἀντιλαμϐάνεσθαί. C’est une définition empruntée à Aristote. Voy. notre tome I, p. 344.