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LIVRE SEPTIÈME.


mission de proche en proche (διαδόσει), dira-t-on : l’impression sensible est éprouvée d’abord par la partie de l’esprit animal qui est dans le doigt, puis transmise à la partie voisine et ainsi de suite jusqu’à ce qu’elle parvienne au principe dirigeant. Nécessairement, si la douleur est sentie par la première partie qui l’éprouve, elle le sera aussi par la seconde à laquelle elle sera transmise, puis par la troisième, et ainsi de suite, en sorte qu’une seule douleur causera un nombre infini de sensations ; enfin, le principe dirigeant percevra toutes ces sensations et de plus sa propre sensation après toutes les autres. À dire vrai, chacune de ces sensations ne fera pas connaître la souffrance du doigt, mais la souffrance d’une des parties intermédiaires : la seconde sensation, par exemple, fera connaître la souffrance de la main ; la troisième, celle du bras, et ainsi de suite ; il y aura donc une infinité de sensations. Quant au principe dirigeant, il ne sentira pas la douleur du doigt, mais sa propre douleur ; il ne connaîtra que celle-là, et il ne s’inquiétera pas du reste, parce qu’il ignorera la douleur éprouvée par le doigt. Donc, il n’est pas possible que la sensation ait lieu par transmission de proche en proche, ni qu’une partie du corps connaisse la souffrance éprouvée par une autre partie : car le corps a de l’étendue, et, dans toute étendue, les parties sont étrangères les unes aux autres[1]. Par conséquent, le principe qui sent doit être

    différents organes, πνεύματα ἀπὸ τοῦ ἡγεμονιϰοῦ ἐπι τὰ ὄργανα τεταμένα. » (Plutarque, De Placitis philosophorum, III, 8.) C’est à cette définition que se rattache l’idée de la transmission de proche en proche, διάδοσις, dont il a été déjà question ci-dessus, p. 258.

  1. La conclusion de Plotin est juste l’opposé de celle de Cléanthe : Cléanthe disait : L’incorporel ne partage pas les affections du corps (οὐδέν ἀσώματον συμπάσϰει τῷ σώματι), et réciproquement. Le corps seul partage les affections du corps. Or, l’âme partage les affections du corps lorsqu’il est malade ou blessé ; de même, le corps partage les affections de l’âme, car il rougit lorsqu’elle éprouve de