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QUATRIÈME ENNÉADE.


de parties qu’il y en a dans l’objet sensible ? Chaque partie de l’âme, sentira-t-elle à son tour par ses propres parties, ou bien les parties des parties ne sentiront-elles pas y Cela n’est pas admissible. Si, d’un autre côté, chaque partie sent l’objet tout entier, toute grandeur étant divisible à l’infini, il en résulte que, pour un même objet, il y aura une infinité de sensations dans chaque partie de l’âme, et à plus forte raison, une infinité d’images dans le principe qui nous dirige. [Or, il n’en est rien.]

En outre, si le principe qui sent était corporel, il ne pourrait sentir qu’autant que les objets extérieurs produiraient dans le sang ou dans l’air une empreinte semblable à celle qu’un cachet fait sur la cire[1]. S’ils imprimaient leur image dans des substances humides, comme on le suppose sans doute, ces empreintes se confondraient comme des images dans l’eau, et il n’y aurait pas de mémoire. Si ces empreintes persistaient, ou bien elles feraient obstacle à celles qui viendraient ensuite, et il n’y aurait plus de sensation ; ou bien elles seraient effacées par les nouvelles, et il n’y aurait plus de souvenir. Si donc l’âme est capable de se rappeler les sensations antérieures, d’en avoir de nouvelles, auxquelles les précédentes ne fassent pas obstacle, c’est qu’elle n’est pas corporelle.

VII. On peut faire les mêmes réflexions au sujet de la douleur et du sentiment qu’on en a. Quand on dit qu’un homme a mal au doigt, on reconnaît sans doute que le siége de la douleur est dans le doigt, et que le sentiment de la douleur est éprouvé par le principe dirigeant. Ainsi, quand une partie de l’esprit souffre, cette souffrance est sentie par le principe dirigeant et partagée par l’âme tout entière[2]. Comment expliquer cette sympathie ? par la trans-

  1. Voy. ci-dessus, p. 424, note 2.
  2. Toute l’argumentation de Plotin roule sur la définition que les Stoïciens donnaient des sens : « Les sens sont des esprits tendus du principe dirigeant aux