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LIVRE SEPTIÈME.


d’âme à chaque partie ? on compose alors l’âme de parties inanimées. Enfin, si l’âme est une grandeur déterminée, elle ne peut ni augmenter ni diminuer sans cesser d’être une âme ; il arrive cependant que d’une seule conception et d’une seule semence naissent deux êtres ou même un plus grand nombre, comme on le voit dans certains animaux chez lesquels la semence se divise[1] : en ce cas, chaque partie est identique au tout. Ce fait ne démontre-t-il pas, pour peu qu’on l’étudie avec attention, que le principe où la partie est identique au tout est essentiellement supérieur à la quantité, n’a nécessairement aucune espèce de quantité. C’est à cette condition seule que l’âme peut demeurer identique quand le corps perd de sa quantité, parce qu’elle n’a besoin d’aucune masse, d’aucune quantité, que son essence est d’une tout autre nature. L’âme et les raisons [séminales] n’ont donc pas d’étendue.

VI. [11° Le corps ne saurait posséder ni la sensation, ni la pensée, ni la vertu.]

Si l’âme était un corps, elle ne posséderait ni la sensation, ni la pensée, ni la science, ni la vertu, ni aucune des perfections qui l’embellissent[2]. En voici la démonstration.

[Impossibilité pour le corps de sentir.]

Le sujet qui perçoit un objet sensible doit être lui-même un, et saisir cet objet dans sa totalité par une seule et même puissance. C’est ce qui arrive quand nous percevons par plusieurs organes plusieurs qualités d’un seul objet, ou que, par un seul organe, nous embrassons dans son ensemble un objet complexe, un visage par exemple : il n’y a pas un principe qui voie le nez, un autre qui voie les yeux ; c’est

    alicubi remissius, et in omnibus tota, et in singulis tota est. » Voy. encore ci-dessus, p. 255, note 2.

  1. Voy. Enn. V, liv. VII, § 3.
  2. Ce passage est cité par le P. Thomassin, dans ses Dogmata theologica. t. I, p. 197.