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QUATRIÈME ENNÉADE.


caractère et cette manière d’être (σχέσις) seront une-chose réelle ou ne seront rien. S’ils ne sont rien, il n’y aura de réel que l’esprit, et cette manière d’être dont on parle n’est qu’un mot ; par conséquent, dans ce système, rien n’existe véritablement que la matière : Dieu, l’âme et toutes les autres choses ne sont qu’un mot ; le corps seul subsiste réellement. Si, au contraire, cette manière d’être est quelque chose de réel, si elle est autre chose que le substratum ou la matière, si elle réside dans la matière sans être matérielle ni composée de matière, ce sera alors une nature autre que le corps, une raison[1].

[7o Le corps exerce une action uniforme, tandis que l’âme exerce une action très-diverse.]

L’impossibilité qu’il y a que l’âme soit un corps se démontre encore par les considérations suivantes. Un corps est chaud ou froid, dur ou mou, liquide ou solide, noir ou blanc, enfin possède des qualités qui diffèrent selon sa nature. S’il est seulement chaud ou froid, léger ou lourd, blanc ou noir, il communique son unique qualité à ce qui l’approche : car le feu ne saurait refroidir, ni la glace échauffer. Cependant, l’âme produit non-seulement des effets différents dans des animaux différents, mais encore des effets contraires dans le même être : elle rend certaines choses solides, denses, noires, légères, et certaines autres liquides, rares, blanches, pesantes. Elle ne devrait produire qu’un seul effet selon la différente qualité du corps et selon sa couleur ; cependant, elle exerce une action très-diverse.

V. [8o Le corps n’a qu’une seule manière de se mouvoir, tandis que l’âme a des mouvements différents.]

Si l’âme est un corps, comment se fait-il qu’elle ait des mouvements différents au lieu d’un seul, puisqu’un corps n’a qu’une seule manière de se mouvoir ? Explique-

  1. Sur le sens donné ici à ce mot, Voy. t. I, p. 240, note 2.