IV. [6o Si l’âme est autre chose que la simple matière, elle doit constituer une forme substantielle.]
Ceux qui admettent que l’âme est un corps sont, par la force même de la vérité, contraints de reconnaître qu’avant les corps et au-dessus d’eux il existe une forme propre à l’âme : car ils admettent l’existence d’un esprit intelligent, d’un feu intellectuel (πνεῦμα ἐννοῦν, πῦρ νοερόν)[1]. D’après eux, il semble qu’il ne peut y avoir dans l’ordre des êtres une nature supérieure sans esprit ni feu, et que l’âme ait besoin en quelque sorte d’un lieu où elle soit édifiée ; ce sont au contraire les corps seuls qui ont besoin d’être édifiés sur quelque chose, et dans le fait, ils sont édifiés sur les puissances de l’âme (ἐν ψυχῆς δυνάμεσι ἱδρύσθαι)[2]. Si l’on croit que l’âme et la vie ne sont qu’un esprit (πνεῦμα), pourquoi ajouter d’un certain caractère (τό πως ἔχον)[3], mot banal auquel on a recours quand on est forcé d’admettre une nature active supérieure à celle des corps ? Si tout esprit n’est pas une âme, puisqu’il y a des milliers d’esprits qui sont inanimés, si celui-là seul est une âme dans lequel on trouve un certain caractère, ce certain
- ↑ Plotin combat ici les Stoïciens qui professaient la même doctrine qu’Héraclite sur la nature de l’âme : « Selon les Stoïciens, l’âme est un esprit intelligent et chaud, πνεῦμα νοερὸν, θερμόν (Stobée, Eclogœ physicœ, p. 797, éd. Heeren). » Cicéron dit aussi, dans son traité De Natura deorum (III, 14) : « Omnia vestri, Balbe, solent ad igneam vim referre, Heraclitum, ut opinor, sequentes. »
- ↑ Voy. t. I, p. 360, note 3.
- ↑ Plotin dit ailleurs que, pour les Stoïciens, tous les êtres, Dieu même, ne sont que la matière modifiée, ὕλη πως ἔχουσα (t. I, p. 195-196). L’expression το πως ἔχον peut s’appliquer aussi à d’autres doctrines, notamment à celle de Dicéarque et d’Aristoxène (Voy. ci-après, p. 461, note 1).
carere non sinat, qua est in quantumcunque est. Quod enim per se non est, si destituatur ab eo per quod est, protecto non erit : et non possumus dieere id accepisse corpus quum iactum est ut seipso jam contentum esse posset, etiamsi a Conditore desereretur. » (De Immmortalitate animœ, 8.)