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QUATRIÈME ENNÉADE.


corps simples, à plus forte raison de corps composés, s’il n’y avait une âme dans l’univers : car c’est la raison [séminale] qui, en s’ajoutant à la matière, produit le corps[1]. Or, d’où procède la raison, si ce n’est d’une âme ?

III. [2o Une agrégation d’atomes ne pourrait former un tout qui fût un et sympathique à lui-même.]

Soutiendra-t-on qu’il n’en est pas ainsi, que des atomes ou des indivisibles constituent l’âme par leur union[2] ? Pour réfuter cette erreur, il faut examiner en quoi consistent la sympathie (ou la communauté d’affection, ὁμοιοπαθεία)[3] et la juxtaposition (παράθεσις)[4]. D’un côté, une agrégation de molécules corporelles qui sont incapables d’être unies et qui ne sentent pas ne peut former un tout qui soit un et sympathique ; or l’âme est sympathique à elle-même. D’un autre côté, comment avec des atomes [qui seraient juxtaposés] constituer un corps, une étendue ?

[3o Tout corps est composé d’une matière et d’une forme, tandis que l’âme est une substance simple.]

  1. Voy. Enn. II, liv. VII, § 8 ; t. I, p. 949.
  2. Ici Plotin combat la doctrine de Leucippe, de Démocrite et d’Épicure : « Selon Leucippe, l’âme est de feu (ἐϰ πυρός) ; selon Démocrite, c’est un mélange igné (πυρῶδες σύγϰριμα) des principes qui ne peuvent être connus que par la raison [c’est-à-dire des atomes], qui ont une forme ronde et une nature ignée : d’où résulte que l’âme est un corps. Épicure a dit que l’âme est un mélange de quatre choses, d’un certain feu, d’un certain air, d’un certain esprit (ἐϰ ποιοῦ πυρώδους, ἐϰ ποιοῦ ἀερώδους, ἐϰ ποιοῦ πνευματιϰοῦ), et d’une quatrième chose sans nom (ἐϰ τετάρτον τινός ἀκατονομαστοῦ), qui était pour lui la puissance sensitive : l’esprit engendre en nous le mouvement ; l’air, le repos ; le feu, la chaleur sensible du corps ; et la quatrième chose sans nom, la sensation, puisque la sensation n’existe dans aucun des éléments. » (Stobée, Eclogœ physicœ, p. 797, éd. Héeren.)
  3. Pour Plotin, comme pour les Stoïciens, la communauté d’affection entre les parties diverses d’un même corps est le caractère distinctif de l’être vivant. Voy. t. I, p. 173.
  4. Voy. t. I, p. 243.