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QUATRIÈME ENNÉADE, LIVRE VIII.


(XI-XII) La vie suppose un principe, et ce principe doit être impérissable : sans cela, il n’y aurait plus dans l’univers qu’une suite de phénomènes sans cause réelle. Si l’on veut que l’Âme universelle soit seule immortelle, tandis que l’âme humaine serait périssable, on avance une chose impossible : car, l’âme humaine étant un acte un, simple, indivisible, inaltérable, ne saurait périr par décomposition, division ou altération.

(XIII) Pure et impassible tant qu’elle reste dans le monde intelligible, l’âme déchoit sans doute quand elle vient ici-bas façonner une portion de la matière à l’image des idées qu’elle a contemplées là-haut ; mais, alors même, par son intelligence, elle demeure encore impassible et indépendante du corps.

(XIV) L’âme n’est pas composée quoiqu’on y distingue plusieurs parties : car, lorsqu’elle se sépare du corps, elle ramène à elle les puissances qu’elle avait produites pour lui communiquer la vie[1].

Les âmes qui animent les corps des brutes sont également impérissables, quelle que soit leur nature.

(XV) Aux preuves précédentes, qui s’adressent uniquement à la raison, on peut, si on le désire, joindre des preuves historiques, comme les rites observés envers ceux qui ne sont plus, les réponses des oracles, etc.


LIVRE HUITIÈME.[2]
DE LA DESCENTE DE L’ÂME DANS LE CORPS.[3]

(I) La perfection que l’on découvre dans l’âme considérée en elle-même conduit à chercher comment elle a pu descendre dans un corps. Héraclite, Empédocle, Platon lui-même ne se sont pas expliqués sur ce point avec assez de clarté. Il reste donc encore à faire une étude attentive et complète de la question.

  1. Olympiodore résume en ces termes les opinions diverses des Néoplatoniciens sur cette question : « Parmi les philosophes, les uns font l’âme immortelle, en comprenant dans cette immortalité le principe vital, comme Numenius ; les autres, comme Plotin s’exprime quelque part, y comprennent notre nature physique ; ceux-ci comprennent la partie irraisonnable de notre être, comme Xénocrate et Speusippe parmi les anciens, Jamblique et Plutarque parmi les modernes ; ceux-là y comprennent seulement la partie raisonnable, comme Proclus et Porphyre ; d’autres enfin immortalisent l’âme tout entière, absorbant les parties dans le tout. » (Comm. sur le Phédon, dans M. Cousin, Fragments de Philosophie ancienne, p. 453.) Dans un autre passage, Olympiodore place encore Jamblique parmi ceux qui, exagérant et dénaturant la pensée de Platon, s’étaient imaginé que Platon regarde toute âme comme immortelle, l’âme des bêtes et l’âme des végétaux, aussi bien que l’âme raisonnable. (Cousin, ibid., p. 415.) Voy. ci-après p. 655-656.
  2. Nous avons omis de dire dans les Éclaircissements que ce livre a été traduit en anglais par Th. Taylor, Five Books of Plotinus, p. 249.
  3. Voy. ci-après Jamblique, Traité de l’Âme, § XI-XII, p. 648-652.