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LIVRE CINQUIÈME.


œil qui regardât, apercevrait-il cet autre monde à une distance modérée ou bien n’aurait-il aucun rapport avec lui ? Mais nous traiterons cette question plus loin [§ 8]. Maintenant, nous allons donner une nouvelle preuve que la vision n’a pas lieu parce que le milieu est affecté.

Si l’air était affecté, il éprouverait une affection matérielle, semblable à la figure imprimée sur la cire. Dans ce cas, une certaine partie de l’objet serait figurée dans une certaine partie de l’air ; par conséquent, la partie de l’air qui est voisine de l’œil recevrait une partie de l’objet visible d’une grandeur égale à celle de la pupille. Or, on voit l’objet visible tout entier ; tous ceux qui sont dans l’air l’aperçoivent également, soit qu’ils le considèrent de face, soit qu’ils le regardent de côté, soit même qu’ils se trouvent placés les uns derrière les autres, pourvu qu’ils ne se fassent pas obstacle les uns aux autres. Ceci prouve que chaque partie de l’air contient l’objet visible tout entier : or cela ne peut s’expliquer par une affection corporelle, mais par des lois plus relevées, propres à l’âme et à l’animal qui est partout sympathique à lui-même.

IV. Dans quel rapport la lumière qui émane de l’œil se trouve-t-elle avec la lumière qui est contiguë à l’œil et s’étend jusqu’à l’objet [§ 2] ? — Elle n’a pas besoin de l’air comme milieu, à moins qu’on ne dise qu’il n’y a pas de lumière sans air ; alors l’air est un milieu par accident. Quant à la lumière elle-même, c’est un milieu qui n’est pas affecté : car il n’est pas nécessaire qu’il y ait ici une affection, mais seulement un milieu ; par conséquent, si la lumière n’est pas un corps, il n’est pas nécessaire qu’il y ait un corps [pour servir de milieu]. On dira peut-être que la vue n’a pas besoin d’une lumière étrangère ni d’un milieu pour voir simplement, mais qu’elle en a besoin pour voir de loin. Nous examinerons plus tard [§ 6] s’il peut y avoir ou non de la lumière sans air. Considérons maintenant le premier point.

Si l’on suppose que la lumière qui est contiguë à l’œil