Page:Plotin - Ennéades, t. II.djvu/452

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
402
QUATRIÈME ENNÉADE.


ou par l’univers même (à l’exception du sage, qui reste impassible) ; elle peut aussi, sans qu’il y ait là rien de contraire à la nature, n’éprouver cette affection qu’au bout de quelque temps.

Les démons eux-mêmes peuvent pâtir par leur partie irraisonnable. On a le droit d’admettre qu’ils ont de la mémoire et des sens, qu’ils sont susceptibles par leur nature d’être charmés, d’être amenés à certains actes et d’entendre les vœux qu’on leur adresse. Les démons soumis à cette influence sont ceux qui se rapprochent des hommes, et ils y sont d’autant plus soumis qu’ils s’en rapprochent davantage.

Tout être qui a quelque relation avec un autre peut être ensorcelé par lui ; il est ensorcelé et attiré par l’être avec lequel il est en rapport. Il n’y a que l’être concentré en lui, même [par la contemplation du monde intelligible] qui ne puisse être ensorcelé[1]. La magie exerce son influence sur toute action et sur toute vie active : car la vie active se porte vers les choses qui l’enchantent. De là cette parole : « Le peuple du magnanime Érechthée est remarquable par la beauté du visage[2]. » Mais qu’éprouve un être dans ses relations avec un autre ? Il est entraîné vers lui, non par l’art de la magie, mais par la séduction qu’exerce la nature, qui harmonise et unit deux êtres en les joignant l’un à l’autre, non par le lieu, mais par la puissance des philtres qu’elle emploie.

XLIV. Il n’y a donc que l’être livré à la contemplation qui ne puisse être ensorcelé : car nul n’est ensorcelé par lui-même. Celui qui contemple est un : il est ce qu’il contemple, il est une raison à l’abri de toute séduction. Il fait ce qu’il doit faire, il accomplit sa vie et sa fonction propre. Pour le reste, l’âme n’accomplit pas une fonction qui lui soit propre, la raison ne détermine pas l’action : c’est alors la partie irraisonnable de l’âme qui est le principe de l’ac-

  1. Voy. la Vie de Plotin, t. I, p. 12.
  2. Platon fait prononcer ces paroles par Socrate dans le 1er Alcibiade, p. 132.