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LIVRE QUATRIÈME.


même n’est pas l’appétit ; elle le complète seulement, en mettant en harmonie avec elle l’acte qui provient de l’appétit. Il est d’ailleurs raisonnable de donner le cœur pour siége au vestige de l’âme qui constitue la colère : car le cœur n’est pas le siége de l’âme, mais la source du sang disposé de telle manière [c’est-à-dire du sang artériel][1].

XXIX. Si le corps ressemble à un objet échauffé plutôt qu’à un objet éclairé[2], pourquoi, quand l’âme raisonnable l’a quitté, n’a-t-il plus rien de vital ? — Il conserve quelque chose de vital, mais pour peu de temps : ce vestige ne tarde pas à disparaître, comme s’évanouit la chaleur d’un objet quand il est éloigné du feu. Ce qui prouve qu’après la mort il reste encore dans le corps quelque vestige de vie, c’est que des poils naissent sur le corps de personnes mortes, que leurs ongles poussent, que des animaux, après avoir été coupés en plusieurs morceaux, se meuvent encore quelque temps[3]. D’ailleurs, si la vie [végétative] disparaît avec l’âme raisonnable, il ne s’ensuit pas que ces deux choses [l’âme raisonnable et l’âme végétative] ne soient pas différentes. Quand le soleil disparaît, il fait disparaître avec lui non-seulement la lumière qui l’entoure immédiatement et lui est suspendue, mais encore la clarté que les objets reçoivent de cette lumière et qui en est complètement différente.

Mais ce qui disparaît ainsi s’en va-t-il seulement ou périt-il ? Telle est la question qu’on peut se poser pour la lumière qui est dans les objets éclairés [et les colore], ainsi que pour la vie qui se trouve dans le corps et que nous appelons la vie propre au corps. Évidemment, il ne reste rien de la lumière dans les objets qui ont été éclairés. Mais la question est de décider si la lumière qui était en eux remonte à sa source ou est anéantie[4]. Comment serait-elle anéantie, si antérieurement elle était quelque chose de réel ? Qu’était-

  1. Voy. ci-dessus. p. 311, note 3.
  2. Voy. ci-dessus, § 14, p. 350.
  3. Voy. ci-dessus, p. 281, note 2.
  4. Voy. ci-après, p. 421-423.