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QUATRIÈME ENNÉADE.


au foie et au corps entier un vestige de l’âme, enfin parce que c’est du foie que part l’action qu’elle exerce[1].

Quant à la Colère, il faut chercher ce qu’elle est, quelle puissance de l’âme elle constitue, si c’est elle qui donne au cœur un vestige de sa propre puissance, s’il y a une autre force capable de produire le mouvement qui se fait sentir dans l’animal, enfin si c’est, non le vestige de la colère, mais la colère même qui siége dans le cœur.

D’abord, en quoi consiste la Colère ? — Nous sommes irrités quand on nous maltraite nous-mêmes ou qu’on maltraite une personne qui nous est chère, en général quand nous voyons commettre une indignité. La colère implique donc sensation et même intelligence à un certain degré. — On pourrait en conclure que la colère a son origine dans un autre principe que la puissance végétative. Il y a, en effet, certaines dispositions du corps qui nous rendent irascibles, comme d’avoir le sang bouillant, d’être bilieux : car on est moins irascible quand on a le sang-froid. D’un autre côté, les animaux s’irritent, indépendamment de la constitution de leur corps, quand on les menace. — Mais ces faits conduisent encore à rapporter la colère à la disposition du corps et au principe qui préside à la constitution de l’animal (σύστασις τοῦ ζώου). Puisque les mêmes hommes sont plus irascibles quand ils sont malades que quand ils se portent bien, étant à jeun que rassasiés, évidemment on doit rapporter la colère ou son principe au corps organisé et vivant. En effet, les élans de la colère sont excités par le sang ou la bile, qui sont des parties vivantes de l’animal : dès que le corps souffre, le sang bouillonne ainsi que la bile, et il se produit une sensation qui éveille l’imagination ; celle-ci instruit l’âme de l’état de l’organisme et la dispose à attaquer ce qui cause la souffrance. D’un autre côté, quand l’âme raisonnable juge qu’on nous fait une injustice, elle s’émeut, n’y

  1. Voy. ci-dessus, liv. III, § 23, p. 311.