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QUATRIÈME ENNÉADE.


saveurs douces, tantôt des saveurs amères, tantôt de l’humidité, tantôt de la chaleur, toutes choses dont il ne se soucierait pas s’il était seul. Comme la souffrance est accompagnée de connaissance, l’âme, pour éviter l’objet qui cause la souffrance, fait un effort qui constitue l’aversion (φυγή), parce qu’elle perçoit la passion éprouvée par l’organe, qui se contracte pour échapper à l’objet nuisible. Ainsi, tout ce qui se passe dans le corps est connu par la sensation et par cette partie de l’âme que nous appelons nature et qui donne au corps un vestige de l’âme. D’un côté, à la nature se lie l’appétit, qui a son origine dans le corps et qui, dans la nature, atteint son plus haut degré[1]. D’un autre côté, la sensation engendre l’imagination, à la suite de laquelle l’âme satisfait le besoin, ou bien s’abstient et se retient, sans écouter le corps qui a donné naissance à l’appétit ni la faculté qui l’a ressenti ensuite[2].

Pourquoi reconnaître ainsi deux espèces d’appétit au lieu d’admettre qu’il n’existe d’appétit que dans le corps vivant ? C’est qu’autre chose est la nature, autre chose le corps auquel elle donne la vie. La nature est antérieure au corps puisque c’est elle qui l’organise en le façonnant et en

  1. Saint Augustin développe les mêmes idées en parlant de la vie sensitive, qu’il nomme le second degré de l’âme : « Ascende itaque alterum gradum, et vide quid possit anima in sensibus, ubi evidentior manifestiorque vita intelligitur… Intendit se anima in tactum, et eo calida, frigida, espera, lenia, dura, mollia, levia, gravia sentit atque discernit. Deinde innumerabiles differentias saporum, odorum, sonorum, formarum, gustando, olfaciendo, audiendo videndoque dijudicat. Atque in iis omnibus, ea quæ secundum naturam sui corporis sunt adsciscit atque appetit, rejicit fugitque contraria, etc. » (De Quantitate animœ, 23.) Les idées que Plotin expose ici sur la sensation, la concupiscence et l’appétit irascible, ont été aussi reproduites par saint Grégoire de Nysse (De l’Âme et de La Résurrection, t. III, p. 200 et suiv., éd. de Paris, 1638). Voy. encore ci-dessus, p. 133, note 1.
  2. Voy. ci-dessus, p. 136, note 1.