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LIVRE QUATRIÈME.


à l’Intelligence et le temps à l’Âme (car nous disons que l’existence du temps est liée à l’action de l’Âme et qu’il en dépend[1]), comment le temps peut-il être divisé, avoir un passé, sans que l’action de l’Âme soit elle-même divisée, sans que son retour sur le passé constitue en elle la mémoire ? En effet, l’éternité implique identité, et le temps, diversité : autrement, si nous supposons qu’il n’y ait pas changement dans les actes de l’Âme, le temps n’aura rien qui le distingue de l’éternité. Dirons-nous que nos âmes, étant sujettes au changement et à l’imperfection, sont dans le temps, tandis que l’Âme universelle engendre le temps sans y être elle-même ?

Admettons que l’Âme universelle ne soit pas dans le temps : pourquoi engendre-t-elle le temps plutôt que l’éternité ? C’est que les choses qu’elle engendre sont comprises dans le temps au lieu d’être éternelles. Les autres âmes ne sont pas non plus dans le temps : il n’y a d’elles dans le temps que leurs passions et leurs actions. En effet, les âmes elles-mêmes sont éternelles ; le temps leur est donc postérieur. D’un autre côté, ce qui est dans le temps est moindre que le temps, puisque celui-ci doit embrasser tout ce qui est dans le temps, comme Platon dit qu’il embrasse ce qui est dans le nombre et dans le lieu[2].

XVI. Mais [dira-t-on], si l’Âme universelle contient les choses dans l’ordre où elles sont successivement produites, elle les contient par cela même comme antérieures et postérieures. Si elle les produit dans le temps, elle incline vers l’avenir, par conséquent, elle incline aussi vers le passé.

Il n’y a [répondrons-nous] d’antérieur et de postérieur que dans ce qui devient ; dans l’Âme, il n’y a point de passé ; toutes les raisons lui sont présentes à la fois, comme nous l’avons déjà dit[3]. Au contraire, dans les choses engendrées,

  1. Voy. ci-dessus, p. 197.
  2. Voy. ci-dessus, p. 172, note 1.
  3. Voy. ci-dessus, p. 346. Les raisons qui sont présentes toutes