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QUATRIÈME ENNÉADE.


ce qu’il a éprouvé. Quant à la Nature, elle ne sait qu’engendrer[1] ; elle est l’acte de la puissance active de l’Âme universelle. Ainsi, l’Intelligence possède les formes intelligibles ; l’Âme universelle les a reçues et les reçoit d’elle sans cesse ; c’est là ce qui constitue sa vie ; la clarté qui brille en elle est la conscience qu’elle a de sa pensée. Le reflet que l’Âme projette elle-même sur la matière est la Nature, qui termine la série des êtres et occupe le dernier degré du monde intelligible ; après elle, il n’y a plus que les imitations des essences. La Nature, tout en agissant sur la matière, est passive à l’égard de l’Âme. L’Âme, supérieure à la Nature, agit sans pâtir. Enfin, l’Intelligence suprême n’agit point sur les corps ni sur la matière.

XIV. Les corps engendrés par la Nature sont les éléments : (στοιχεία)[2]. Quant aux animaux et aux végétaux, possèdent-ils la Nature comme l’air possède la lumière qui ne laisse rien à l’air en se retirant, parce qu’elle ne s’y est pas mélangée, qu’elle en est restée séparée[3] ? Ou bien la Nature est-elle avec les animaux et les végétaux dans le même rapport que le feu est avec le corps échauffé, auquel, en se retirant, il laisse une chaleur qui est autre que la chaleur propre au feu et qui constitue une modification du corps échauffé ? Oui, sans doute. La Nature donne à l’être qu’elle façonne (τῷ πλασθέντι) une forme (μορφὴ) qui est autre que la forme (εἶδος) propre à la Nature elle-même[4]. Reste à rechercher s’il y a quelque intermédiaire entre la Nature et l’être qu’elle façonne[5]. Quant à la différence qui existe entre la Nature et la Sagesse qui préside à l’univers, nous l’avons suffisamment déterminée.

XV. Nous avons encore à résoudre une question relative à ce que nous venons de discuter. Si l’éternité se rapporte

  1. Nous lisons avec M. Kirchhoff à ἡ δὲ γεννᾷ αὐτή.
  2. Nous retranchons ici avec M. Kirchhoff τὰ σώματα.
  3. Voy. ci-dessus, p. 307.
  4. Voy. ci-dessus, p. 213, note 2.
  5. Voy. ci-après, p. 356.