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QUATRIÈME ENNÉADE.


mais y restent attachées, rameaux d’un arbre immense qui est l’univers[1]. Qu’ont à faire le raisonnement, le calcul, la mémoire, dans un principe qui possède une sagesse toujours présente et active, qui par elle domine le monde et l’administre d’une manière immuable ? Si ses œuvres sont variées et changeantes, il n’en résulte pas que ce principe doive lui-même participer à leur mutabilité. En produisant des choses diverses, il reste immuable[2]. Ne voit-on pas dans chaque animal plusieurs choses se produire successivement, comme les qualités propres à chaque âge ? Ne voit-on pas certaines parties naître et croître à des époques déterminées, telles que les cornes, la barbe, les mamelles ? Ne voit-on pas enfin chaque être en engendrer d’autres ? Ainsi, sans que les premières raisons [séminales] périssent, d’autres se développent à leur tour. Ce qui le prouve, c’est que dans l’animal engendré la raison [séminale] subsiste identique et entière.

Ne craignons donc pas de l’affirmer : l’Âme universelle possède toujours la même sagesse ; cette sagesse est universelle ; elle est la sagesse permanente du monde ; elle est multiple et variée, et en même temps elle est une, parce qu’elle est la sagesse de l’animal qui est un et qui est le plus grand de tous. Invariable, malgré la multiplicité de ses œuvres, elle constitue la raison qui est une, et elle est toutes choses à la fois. Si elle n’était pas toutes choses, au lieu d’être la sagesse de l’univers, elle ne serait que la sagesse de choses postérieures et particulières.

  1. Voy. ci-dessus, p. 86, et p. 281, note 1.
  2. Les mêmes idées ont été longuement développées par saint Augustin dans ses Confessions : « Sicut nosti in principio cœlum et terram sine varietate notitiæ tuæ, ita fecisti in principio cœlum et terram sine distentione actionis tuæ (XI, 3l)… Jam dixisti mihi, Domine, voce forti in aurem interiorem quia tu æternus es, solus habens immortalitatem, quoniam ex nulla specie motuve mutaris, nec temporibus variatur voluntas tua, etc. (XII, 11). »