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LIVRE QUATRIÈME.

temps où elles se souviendront ? — Il n’est pas nécessaire que les âmes [qui s’éloignent du monde intelligible] tombent dans les plus basses régions. Il peut arriver que dans leur mouvement elles s’arrêtent après être descendues quelque peu du monde intelligible, et rien ne les empêche de remonter là-haut avant qu’elles se soient abaissées aux régions inférieures de la génération.

VI. On peut donc affirmer sans crainte que les âmes qui exercent leur raison discursive et qui changent d’état se souviennent : car la mémoire s’applique aux choses qui ont été et qui ne sont plus[1]. Mais les âmes qui demeurent dans le même état ne sauraient se souvenir : car de quoi se souviendraient-elles[2] ?

Si [méconnaissant les vérités que nous venons d’exposer], la raison humaine veut attribuer la mémoire aux âmes de tous les astres, surtout à celle de la Lune et à celle du Soleil, elle finira par agir de même à l’égard de l’Âme universelle et elle osera attribuer à Jupiter même des souvenirs qui l’occuperaient de mille choses diverses. Une fois entrée dans cet ordre d’idées, la raison sera amenée à chercher quelles sont les conceptions, quels sont les raisonnements des âmes des astres, en admettant toutefois qu’elles raisonnent. [Mais c’est là une hypothèse toute gratuite :] car si ces âmes n’ont rien à découvrir, si elles ne doutent pas, si elles n’ont besoin de rien, si elles n’apprennent pas des choses qu’elles ignorassent auparavant, quel usage feraient-elles du raisonnement, des arguments ou des conceptions de la raison discursive ? Elles n’ont pas non plus à chercher des moyens mécaniques de gouverner les choses humaines et

  1. Voy. ci-dessus, p. 314, note 1.
  2. Deuxième question : Les âmes des astres et l’Âme universelle ont-elles besoin de la mémoire et du raisonnement, ou se bornent-elles à contempler l’Intelligence suprême (§ 6-16) ?