Page:Plotin - Ennéades, t. II.djvu/37

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
xxxi
QUATRIÈME ENNÉADE, LIVRE III.


les doigts est une partie de l’âme totale de l’animal : car, dans ce cas, il n’y aurait plus d’existence réelle que celle de l’Âme universelle, par conséquent, il n’y aurait plus de parties.

(IV) Voici la solution. — Les intelligences particulières sont distinctes les unes des autres, et subsistent cependant toutes ensemble dans l’Intelligence universelle. De cette Essence indivisible procèdent à la fois l’Âme universelle et les âmes particulières, qui, semblables à des rayons de lumière, divergent à mesure qu’elles s’éloignent de leur foyer.

(V) L’individualité des âmes est indestructible. Comme les intelligences particulières dont elles sont les raisons, les âmes particulières conservent toujours leur différence et leur identité : elles s’unissent, sans se confondre, dans le sein de l’Âme universelle dont elles procèdent.

(VI-VII) L’Âme universelle, contemplant l’Intelligence universelle, a plus de puissance créatrice que les âmes particulières qui contemplent les intelligences particulières : celles-ci occupent d’ailleurs le premier, le deuxième ou le troisième rang, selon qu’elles sont en acte les intelligibles mêmes, ou qu’elles les connaissent ou qu’elles les désirent. Les passages qu’on cite de Platon sont conformes à la distinction de l’Âme universelle et des âmes particulières.

(VIII) Les âmes sont distinguées les unes des autres, abstraction faite des corps, par leurs opérations intellectuelles et leurs habitudes morales. Chaque âme est toutes choses en puissance, mais n’est en acte que ce qui occupe son attention, par conséquent, elle est caractérisée par la faculté qu’elle a principalement développée. Chacune enfin offre en elle unité et variété, et est coordonnée avec les autres dans l’unité et la variété de l’univers.

Deuxième question. Pour quelle cause et de quelle manière l’âme descend-elle dans le corps ? Il faut distinguer ici l’Âme universelle et l’âme humaine[1].

(IX-XI) L’Âme universelle n’est pas descendue dans le monde ; mais, par sa procession, elle a produit l’espace, en engendrant à la fois la matière et la forme. Elle a ainsi déterminé, selon son essence propre, l’étendue que le monde occupe : car elle l’a engendré et ordonné de tout temps, non par choix ni par délibération, mais en vertu de sa nature. Étant souverainement maîtresse de la matière, elle l’a façonnée par les raisons séminales, et elle a fait participer tous les êtres à la vie qu’elle possède elle-même. Son rôle est en effet de transmettre à la Nature les idées qu’elle contemple dans l’intelligence divine ; elle en est l’interprète : c’est par elle que tout descend du monde intelligible dans le monde sensible, c’est par elle que tout y remonte.

(XII-XIII) Les âmes humaines viennent à s’unir à des corps parce qu’elles y voient leur image. Elles descendent du monde intelligible et y remontent à des époques qui sont déterminées par les périodes de la vie universelle, avec laquelle elles sont toujours dans un accord parfait. Elles viennent ici-bas par un mouvement qui n’est ni complètement libre, ni soumis à une contrainte extérieure : elles obéissent à l’impulsion irrésistible d’une loi qu’elles ont na-

  1. Voy. ci-après Jamblique, Traité de l’Âme, § XI-XII, p. 648-651.