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LIVRE TROISIÈME.


non l’exercice de la mémoire, sans que cette faculté cesse d’être propre à l’âme. Comment essaiera-t-on de prouver que le souvenir des connaissances acquises par l’étude appartient au composé et non à l’âme seule ? Si l’animal est le composé de l’âme et du corps, en ce sens qu’il est une troisième chose engendrée par leur union[1], il sera absurde de dire qu’il n’est ni l’âme, ni le corps. En effet, il ne saurait être une chose différente de l’âme et du corps, ni si l’âme et le corps sont transformés dans le composé dont ils sont les éléments, ni s’ils forment un mixte[2], de telle sorte que l’âme ne soit plus qu’en puissance dans l’animal ; même dans ce cas, c’est encore l’âme, et l’âme seule qui se souviendrait. Ainsi, dans un mélange de miel et de vin, si l’on sent quelque douceur, c’est au miel seul qu’il faut l’attribuer.

Oui [répondra-t-on], c’est l’âme qui se souvient, mais c’est parce qu’elle réside dans le corps et qu’elle n’est pas pure : il faut qu’elle soit affectée de telle ou telle manière (ποιωθεῖσα) pour pouvoir imprimer au corps les formes des choses sensibles (ἀναμάττεσθαι τοὺς τῶν αἰσθητῶν τύπους) ; il faut qu’elle ait son siége dans le corps pour recevoir ces formes et les conserver. — Mais, d’abord, ces formes ne sauraient avoir d’étendue[3] ; ensuite elles ne sauraient être ni des empreintes, ni des impressions, ni des images (ἐνσφραγίσεις, ἀντερείσεις, τυπώσεις)[4] : car il n’y a dans l’âme

  1. Voy. t. I, p. 43, 382.
  2. C’était la doctrine des Stoïciens. Voy. t. I, p. CXXX, note 2.
  3. Voy. saint Augustin, De Quantitate animæ, 5, et De Anima et ejus origine, IV, 17.
  4. Plotin combat ici la doctrine des Stoïciens : « Les Stoïciens disent que l’homme, à sa naissance, a sa partie dirigeante semblable à une feuille de papier parfaitement disposée pour recevoir des caractères. Chaque idée vient s’y écrire par les sensations : car, lorsqu’on a senti un objet, le blanc, par exemple, on en garde le souvenir quand cet objet n’est plus là. » (Plutarque, De Placitis philosophorum, IV, 11.) Selon Zénon, la sensation con-