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LIVRE TROISIÈME.


hors du corps, celui-ci restera inanimé, et nous ne pourrons expliquer comment ont lieu les opérations qui se produisent à l’aide des organes. Si, d’un autre côté, nous assignons une place dans le corps à certaines parties de l’âme sans en assigner à d’autres, celles auxquelles nous n’assignerons pas de place sembleront n’être pas en nous, par conséquent notre âme paraîtra n’être pas en nous tout entière.

Il ne faut admettre ni qu’une partie de l’âme, ni que l’âme tout entière est dans le corps comme dans un lieu (ἐν πόσῳ). En effet, le lieu a pour propriété de contenir, et de contenir un corps (περιεκτικὸν σώματος) ; or, là où chaque chose est divisée, il est impossible que le tout soit dans chaque partie ; mais, l’âme n’est pas corps, et elle contient le corps plutôt qu’il ne la contient[1].

Elle n’y est pas non plus comme dans un vase (ἐν ἀγγείῳ) : car, dans ce cas, le corps serait inanimé, qu’il contînt l’âme comme un vase ou comme un lieu. Dira-t-on que l’âme est en quelque sorte concentrée en elle-même et communique au corps quelque chose d’elle-même par une transmission de proche en proche (διαδόσει τινί)[2] ? Alors ce qu’elle communiquera à ce vase sera autant de perdu pour elle.

D’ailleurs le lieu (en prenant ce mot dans son sens propre) est incorporel, par conséquent, n’est pas un corps. Quel besoin aurait-il donc de l’âme ? En outre [si l’âme est dans le corps comme dans un lieu], le corps approchera de l’âme par sa surface et non par lui-même[3]. On peut encore faire beaucoup d’autres objections à ceux qui placent l’âme dans le corps comme dans un lieu. Dans cette

  1. Voy. les fragments d’Ammonius Saccas et de Numénius traduits dans le tome I (p. XCIV, C), ainsi que les passages d’Aristote et de Posidonius cités dans le tome I, p. XCI, note 2, et p. 358, note 2.
  2. Plotin fait ici allusion au système des Stoïciens. Voy. ci-dessus p. 258, note 2.
  3. Voy. t. I, p. LXIII, note 3.