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LIVRE TROISIÈME.


XIX[1]. Faut-il admettre que [dans l’âme] l’indivisible et le divisible forment une seule et même chose, comme s’ils étaient mélangés ensemble ? ou bien doit-on considérer sous un autre point de vue la distinction de l’indivisible et du divisible, regarder le premier comme la partie supérieure de l’âme, et l’autre comme la partie inférieure, absolument de la même manière que nous disons qu’une partie de l’âme est raisonnable et l’autre irraisonnable ? Pour résoudre cette question, il faut examiner ce que sont la divisibilité et l’indivisibilité de l’âme.

Quand Platon dit que l’âme est indivisible, il parle absolument ; quand il affirme qu’elle est divisible, c’est relativement [au corps]. Il dit en effet qu’elle devient divisible dans les corps et non qu’elle est devenue telle[2]. Voyons donc comment, par sa nature, le corps a besoin de l’âme pour vivre, et quelle nécessité il y a que l’âme soit présente au corps tout entier.

Toute puissance sensitive, par cela même qu’elle sent par le moyen du corps tout entier, arrive à se diviser : car, puisqu’elle est présente partout, on peut dire qu’elle est divisée ; mais comme, d’un autre côté, elle se manifeste tout entière partout, on ne peut dire qu’elle soit divisée réellement ; on doit se borner à affirmer qu’elle devient divisible dans les corps. — Elle n’est divisée que dans le tact, objectera-t-on peut-être ? — Nous répondrons qu’elle l’est aussi dans les autres sens (puisque c’est toujours le corps qui la reçoit), mais qu’elle l’est moins. Il en est de même de la puissance végétative et nutritive ; et si la concupiscence réside dans le foie, la colère dans le cœur, ces appétits sont soumis aux mêmes conditions[3]. Peut-être d’ailleurs le corps

  1. Quatrième question : Comment l’âme est-elle à la fois divisible et indivisible ?
  2. Voy. le passage du Timée cité ci-dessus, p. 260, note 1.
  3. Voy. ci-après pour l’appétit irascible, § 23, p. 311, et livre IV, § 20 ; pour l’appétit concupiscible, livre IV, § 28.