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QUATRIÈME ENNÉADE.


étrangère, faute de lumière qui lui soit propre. Il y a en effet [en dehors des deux cercles] un rhombe ou plutôt une sphère qui reçoit sa lumière du second cercle, et qui la reçoit d’autant plus vive qu’elle en est plus proche[1]. La grande lumière [l’Intelligence] répand sa clarté en demeurant en elle-même, et la clarté qui rayonne d’elle [sur l’Âme] est la Raison. Les autres âmes rayonnent aussi, les unes en restant unies à l’Âme universelle, les autres en descendant plus bas pour mieux éclairer les corps auxquels elles accordent leurs soins ; mais ces soins sont pénibles. Comme le pilote qui dirige son navire sur les îlots agités s’oublie, dans l’effort de son travail, au point de ne pas voir qu’il s’expose à périr avec le navire dans le naufrage ; de même, les âmes sont entraînées [dans le gouffre de la matière] par l’attention qu’elles accordent aux corps qu’elles gouvernent[2]) ; ensuite, elles sont enchaînées à leur destinée, comme fascinées par un attrait magique, mais réellement retenues par les liens puissants de la Nature. Si chaque corps était parfait comme l’univers, il se suffirait complètement à lui-même, il n’aurait à craindre aucun danger, et l’âme qui y est présente, au lieu d’y être présente, pourrait lui communiquer la vie sans quitter le monde intelligible.

XVIII[3]. L’âme emploie-t-elle le raisonnement avant d’en-

  1. Le centre ou foyer de lumière représente l’Un ; le premier cercle de lumière, l’Intelligence divine ; le second cercle de lumière, l’Âme universelle qui reçoit de l’Intelligence les idées ; et la sphère illuminée par le second cercle de lumière, le monde sensible auquel l’Âme universelle communique la vie par les raisons séminales. Voy. ci-dessus, § 10, p. 287.
  2. Nous lisons ici avec MM. Creuzer et Kirchhoff ϰαὶ τοῖς ἑαυτῶν au lieu de ἐφ’ ἑαυτῶν, qui paraît être la leçon adoptée par Ficin. La comparaison employée ici par Plotin est empruntée à Numénius. Voy. les fragments de ce philosophe dans le tome I, p. CIII-CIV.
  3. Troisième question : L’âme fait-elle usage de la Raison discursive quand elle est hors du corps ?