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QUATRIÈME ENNÉADE.


corps sur lequel leur partie intermédiaire[1] doit veiller a plus besoin de soins. Mais Jupiter, leur père, prenant pitié de leurs peines, a fait leurs liens mortels[2] ; il leur accorde du repos à certains intervalles, en les délivrant du corps, afin qu’elles puissent revenir habiter la région où l’Âme universelle demeure toujours, sans incliner vers les choses d’ici-bas[3]. En effet, ce que l’univers possède actuellement lui suffit et lui suffira toujours, puisqu’il a une durée réglée par des raisons éternelles et immuables, et que, lorsqu’une période est finie, il recommence à en parcourir une autre où toutes les vies sont déterminées conformément aux idées[4]. Par là, les choses d’ici-bas étant soumises aux choses intelligibles, tout est subordonné à une Raison unique, soit pour la descente, soit pour l’ascension des âmes (ἔν τε ϰαθόδοις ψυχῶν ϰαὶ ἀνόδοις), soit pour leurs actes en général. Ce qui le prouve, c’est l’accord qui existe entre l’ordre universel et les mouvements des âmes qui, en descendant ici-bas, se conforment à cet ordre sans en dépendre, et sont parfaitement en harmonie avec le mouvement circulaire du ciel : c’est ainsi que les actions, les fortunes, les destinées trouvent toujours leurs signes dans les figures formées par les astres[5]. C’est là ce concert dont le son est, dit-on, si mélodieux, et que les anciens exprimaient symboliquement par l’harmonie musicale[6]. Or, il n’en pourrait

  1. Voy. t. I, p. 262, note 2.
  2. Jupiter est appelé le Père des âmes parce qu’il représente l’Âme universelle, dont procèdent les âmes particulières (Enn. V, liv. VIII, § 13). Cette phrase a été citée par S. Augustin dans un passage de la Cité de Dieu que nous avons donné dans les Éclaircissements du tome I, p. 434, note 4.
  3. Voy. t. I, p. 275-276.
  4. Voy. Enn. V, liv. VII, § 1.
  5. Voy. t. I, p. 174-178, 464-466.
  6. Dans la République (liv. X, p. 617 ; t. X, p. 286 de la trad. de M. Cousin), Platon, décrivant le fuseau des Parques et les huit cercles concentriques qui ont pour axe la tige du fuseau, c’est-à-dire les huit cercles célestes traversés par l’axe du monde, dit que sur le rebord supérieur de chacun de ces cercles est assise une sirène qui fait entendre un son continu et toujours le même, et que