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LIVRE TROISIÈME.


née ni possédée par lui. L’univers est en effet dans l’Âme qui le contient, et il y participe tout entier : il y est comme un filet dans la mer, pénétré et enveloppé de tous côtés par la vie, sans pouvoir toutefois se l’approprier. Mais ce filet s’étend autant qu’il le peut avec la mer : car aucune de ses parties ne saurait être ailleurs qu’où elle est. Quant à l’Âme universelle, elle est immense de sa nature, parce qu’elle n’a pas une grandeur déterminée ; en sorte qu’elle embrasse par une seule et même puissance le corps entier du monde, et qu’elle est présente partout où il s’étend. Sans lui, elle n’aurait nul souci de procéder dans l’étendue : car elle est par elle-même tout ce qu’il est dans son essence d’être. Ainsi, la grandeur de l’univers est déterminée par celle du lieu où l’Âme est présente ; et son étendue a pour limites celles de l’espace dans lequel il est vivifié par elle. L’ombre de l’Âme a donc une étendue déterminée par celle de la Raison qui rayonne de ce foyer de lumière ; et, d’un autre côté, cette Raison devait produire une étendue telle que son essence lui commandait de la produire[1].

X. Maintenant, revenons à ce qui a toujours été ce qu’il est. Embrassons par la pensée tous les êtres, comme l’air, la lumière, le soleil, la lune. Représentons-nous encore le soleil, la lumière, etc., comme étant toutes choses, sans oublier toutefois qu’il y a des choses qui occupent le premier rang, d’autres le second ou le troisième. Au sommet de cette série des êtres, concevons l’Âme universelle subsistant éternellement. Plaçons ensuite ce qui tient le premier rang après elle, et continuons ainsi jusqu’à ce que nous arrivions aux choses qui occupent le dernier rang, et qui sont en quelque sorte les dernières lueurs de la lumière que répand l’Âme ; représentons-nous ces choses comme une étendue d’abord ténébreuse, puis illuminée par la forme qui vient s’ajouter à un fond primitivement obscur. Ce fond est

  1. Voy. ci-dessus Enn. III, liv. VI, § 16, 17.