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LIVRE TROISIÈME.


qui est stable ? Ce qui est stable est infini par sa puissance, parce que sa puissance est infinie sans être d’ailleurs divisée à l’infini : car Dieu aussi est infini [en ce sens qu’il n’a pas de limites]. Ainsi, chaque âme est ce qu’il est dans sa nature d’être, sans recevoir d’autrui une limite ni une quantité déterminée ; elle s’étend autant qu’elle veut ; elle n’est jamais contrainte d’aller plus loin ; mais partout elle descend vers les corps et les pénètre comme c’est dans sa nature. D’ailleurs, elle ne se sépare jamais d’elle-même, quand elle est présente dans le doigt ou dans le pied[1]. Il en est de même pour l’univers : en quelque endroit que pénètre l’Âme, elle reste toujours indivisible, comme lorsqu’elle pénètre les diverses parties d’une plante ; alors, si l’on coupe une certaine partie, le principe qui lui communique la vie reste à la fois présent dans la plante et dans la partie qui en a été détachée[2]. Le corps de l’univers est un, et l’Âme est partout dans son unité.

Si, quand un animal se putréfie, il s’y engendre une foule d’animalcules, ils ne tiennent pas leur vie de l’âme de l’animal entier : celle-ci a abandonné le corps de l’animal et n’y a plus son siége puisqu’il est mort[3]. Mais les matériaux qui proviennent de la putréfaction, étant convenablement disposés pour la génération d’animalcules, reçoivent chacun une âme différente, parce que l’Âme ne fait défaut nulle part. Cependant, comme une partie de ce corps est capable de la recevoir, et qu’une autre partie n’en est pas capable, les parties qui deviennent ainsi animées n’augmentent pas

  1. Voy. ci-dessus, p. 257-258.
  2. Dans son traité De la Quantité de l’âme (32), saint Augustin déduit de ce principe qu’on ne morcelle pas l’âme d’un vermisseau en coupant son corps en plusieurs morceaux : « Si ergo salis perpexisti in hac similitudine quomodo possit dissecto corpore anima non secari, accipe nunc quomodo frusta ipsa corporis, quum anima secta non sit, vivere possint, etc. »
  3. Nous lisons avec MM. Creuzer et Kirchhoff : οὐ γὰρ ἂν ἀπέθανε.