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QUATRIÈME ENNÉADE.

dans le sein de l’Âme universelle] au moment même où [par suite de sa séparation d’avec le corps] elle se trouverait dans ce qu’il y a de meilleur [dans le monde intelligible][1]. Non : nul des êtres véritables ne périt. Les intelligences elles-mêmes ne se perdent pas là-haut [dans l’Intelligence divine] parce qu’elles n’y sont pas divisées à la manière des corps, et qu’elles y subsistent chacune avec leur caractère propre, joignant à leur différence cette identité qui constitue l’être. Étant placées au-dessous des intelligences particulières auxquelles elles sont suspendues, les âmes particulières sont les raisons [nées] des intelligences, sont des intelligences plus développées ; de peu multiples, elles deviennent très-multiples, tout en restant unies aux essences peu multiples ; comme elles tendent à introduire la séparation dans ces essences moins divisibles [les intelligences], et qu’elles ne peuvent cependant arriver aux dernières limites de la division, elles conservent à la fois leur identité et leur différence : chacune demeure une, et toutes ensemble forment une unité.

Nous avons ainsi établi déjà le point important de la discussion, savoir que toutes les âmes procèdent d’une seule Âme, que d’une elles deviennent multiples, comme cela a lieu pour les intelligences, divisées de la même façon et en même temps indivises. L’Âme qui demeure dans le monde intelligible est la Raison une et indivisible [née] de l’Intelligence, et de cette Âme procèdent les raisons particulières et immatérielles, de la même manière que là-haut [les in-

  1. Dans sa Somme contre les Gentils, saint Thomas oppose le même argument aux sectateurs d’Averrhoès : « S’abstraire du corps, vivre à la science et à la vertu, se repaître la vue de vérités immatérielles, n’est-ce pas là pour l’âme l’existence achevée et parfaite ? Comment donc son être serait-il anéanti par l’événement de la mort, qui l’affranchit de la servitude des sens et la rapproche de ce terme suprême qui représente pour elle la perfection ? » (Philosophie de S. Thomas, par M. Ch. Jourdain, t. I, p. 306.)