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QUATRIÈME ENNÉADE.


Car on ne dit pas que cette Âme abandonne son corps comme la nôtre, et, bien que quelques-uns avancent qu’elle-même quittera un jour son corps, on ne prétend pas qu’elle doive être jamais en dehors de tout corps. En admettant même qu’elle doive un jour être séparée de tout corps, comment se fait-il qu’une âme puisse ainsi se séparer, et qu’une autre ne le puisse pas, puisqu’elles ont au fond la même nature ? On ne saurait élever une pareille question pour l’Intelligence : les parties entre lesquelles elle se divise ne sont distinguées les unes des autres que par leur différence individuelle, et elles existent toutes ensemble éternellement (car l’Intelligence n’est pas divisible). Tout au contraire, l’Âme universelle étant, comme on le dit, divisible dans les corps[1], il est fort difficile de comprendre comment toutes les âmes procèdent de l’Essence qui est une.

Voici ce qu’on peut répondre à cette question :

L’Essence qui est une [savoir l’Intelligence] subsiste en elle-même sans descendre dans les corps ; de l’Essence qui est une procèdent l’Âme universelle et les autres âmes, qui existent toutes ensemble jusqu’à un certain point et ne forment qu’une seule Âme en tant qu’elles n’appartiennent à aucun être particulier [contenu dans le monde sensible]. Mais, si par leurs extrémités supérieures elles se rattachent à l’unité, si elles coïncident en son sein, elles divergent ensuite [par leurs actes], comme la lumière se divise sur la terre entre les diverses habitations des hommes et néanmoins reste une et indivise. Dans ce cas, l’Âme universelle est toujours élevée au-dessus des autres parce qu’elle n’est point capable de descendre, de déchoir, d’incliner vers le monde sensible ; les nôtres, au contraire, descendent ici-bas, parce qu’une place déterminée leur est assignée dans ce monde et qu’elles sont obligées de s’occuper d’un corps qui exige une attention soutenue. L’Âme universelle ressemble

  1. Voy. ci-dessus, p. 260.