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LIVRE TROISIÈME.


partie de l’Âme universelle (car, une fois divisée, l’Âme universelle ne saurait se communiquer à chaque partie), il faut que l’Âme universelle soit partout tout entière, qu’elle soit une et la même à la fois dans les divers êtres. Or, cette hypothèse ne permet plus de distinguer d’un côté l’Âme universelle, de l’autre les parties de cette âme, d’autant plus que ces parties ont la même puissance [que l’Âme universelle] : car, même pour les organes qui ont des fonctions diverses, comme les yeux et les oreilles, on n’admettra pas qu’il y ait une partie de l’âme dans les yeux, une autre dans les oreilles (une telle division ne convient qu’à des choses qui n’ont rien de commun avec l’âme) ; mais on dira que c’est bien la même partie de l’âme qui anime ces deux organes, en exerçant dans chacun d’eux une faculté différente. En effet, toutes les puissances de l’âme sont présentes dans ces deux sens [la vue, l’ouïe], et la différence de leurs perceptions a pour cause unique la différence des organes[1].

    l’âme est divisée ; et, par une absurdité plus grande encore, ils affirment qu’elle réside proprement dans les éléments, qu’elle se partage avec eux quand les corps sont engendrés, et qu’elle se réunit de nouveau quand les corps périssent, de même que l’eau se divise, se rapproche et se réunit ; que les âmes pures se réunissent avec la lumière, tandis que celles qui ont été souillées par la matière passent dans les éléments, puis des éléments dans les plantes et les animaux. Ainsi, ils font de l’âme une substance corporelle, ils la divisent, ils la soumettent à toutes les affections corporelles, et cependant ils disent qu’elle est immortelle. » (De la Nature de l’homme, ch. II, p. 54 de la trad. de M. Thibault.) Ces idées ont beaucoup d’analogie avec celles des Gnostiques. Voy. Enn. II, liv. II, § 5 et 10 ; t. I, p. 270 et 287.

  1. La démonstration que Plotin donne ici de l’unité du principe sentant est empruntée à Platon : « Il serait étrange qu’il y eût en nous plusieurs sens, comme dans des chevaux de bois, et que nos sens ne se rapportassent pas tous à une seule essence, qu’on l’appelle âme ou autrement, avec laquelle, par les sens comme par autant d’instruments, nous sentons tout ce qui est sensible… La raison qui me fait exiger ici de toi tant d’exactitude,