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QUATRIÈME ENNÉADE.


de nombres, que deux est une partie de dix (il ne s’agit ici que de nombres abstraits) ; on dit aussi qu’une certaine étendue est une partie de cercle, ou de ligne ; on dit enfin qu’une notion est une partie de la science.

Pour les nombres et les figures géométriques, comme pour les corps, il est évident que le tout est nécessairement diminué par sa division en parties, et que chaque partie est plus petite que le tout. Ayant pour essence d’être des quantités déterminées, mais non la quantité en soi, ces choses doivent être susceptibles d’augmentation et de diminution[1]. Ce n’est certes pas dans ce sens que l’on peut entendre parties en parlant de l’Âme. Car l’Âme n’est pas une quantité comme une dizaine, qui forme un tout divisible en unités ; autrement, il s’ensuivrait une foule d’absurdités, puisqu’une dizaine n’est pas une unité véritable : il faudrait alors ou que chacune des unités fût âme, ou que l’Âme même résultat d’une somme d’unités inanimées.

D’ailleurs, ceux que nous combattons ont accordé que toute partie de l’Âme universelle est conforme au tout [§ 1] ; or, dans les quantités continues, il n’est nullement nécessaire que la partie soit semblable au tout : ainsi, dans le cercle et le quadrilatère [les parties ne sont pas des cercles ou des quadrilatères] ; toutes les parties de l’objet di-

  1. Fénelon se sert du même argument dans sa réfutation du Spinosisme : « Tout ce qui a des parties réelles qui sont bornées et mesurables ne peut composer que quelque chose de fini : tout nombre collectif ou successif ne peut jamais être infini. Qui dit nombre dit amas d’unités réellement distinguées et réciproquement indépendantes les unes des autres pour exister et n’exister pas. Qui dit amas d’unités réciproquement indépendantes dit un tout qu’on peut diminuer, et qui par conséquent n’est point infini. Il est certain que le même nombre était plus grand avant le retranchement d’une unité qu’il ne l’est après qu’elle est retranchée. Depuis le retranchement de cette unité bornée le tout n’est point infini ; donc il ne l’était pas avant ce retranchement. » (Fénelon, De l’Existence de Dieu, II, ch. 3.)