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QUATRIÈME ENNÉADE.


soit une [par son essence], cependant ce qu’il y a ainsi d’identique dans chaque partie n’a pas cette communauté d’affection qui constitue la sympathie[1], parce qu’à l’identité se joint la différence ; c’est que cette identité n’est qu’une simple modification des corps et non une essence. Tout au contraire, la nature qui approche de l’essence absolument indivisible est une véritable essence. [Telle est l’âme.] Elle s’unit aux corps, il est vrai, et par suite se divise avec eux ; mais cela ne lui arrive que lorsqu’elle se communique aux corps ; d’un autre côté, lorsqu’elle s’unit aux corps, même au plus grand et au plus étendu de tous, elle ne cesse pas d’être une, bien qu’elle se donne à lui tout entier.

L’unité de cette essence ne ressemble en rien à celle du corps : car l’unité du corps consiste dans la continuité des parties, dont chacune est différente des autres et occupe un lieu différent. L’unité de l’âme ne ressemble pas davantage à l’unité des qualités. Ainsi, cette essence à la fois divisible et indivisible, que nous appelons âme, n’est pas une comme le continu [qui a ses parties les unes hors des autres] : elle est divisible, parce qu’elle anime toutes les parties du corps dans lequel elle se trouve ; et elle est indivisible, parce qu’elle est tout entière dans tout le corps et dans chacune de ses parties[2]. Quand on considère ainsi la nature de l’âme, on voit sa grandeur et sa puissance, on comprend combien sont admirables et divines une telle essence et les essences supérieures. Sans avoir d’étendue, l’âme est présente dans toute étendue ; elle est dans un lieu, et elle n’est cependant pas dans ce lieu[3] ; elle est à la

  1. Voy. ci-après, § 2, p. 257.
  2. L’âme raisonnable est complètement indivisible, parce qu’elle n’a pas besoin des organes pour accomplir ses opérations. L’âme irraisonnable est indivisible en ce sens qu’elle est présente tout entière à tout le corps, et divisible en ce sens que ses puissances sont présentes aux organes qu’elles font agir et où elles sont complètement séparées les unes des autres. Voy. ci-après liv. III, § 19, 22, 23, et liv. IV, § 28.
  3. Voy. liv. III, § 20-22.