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QUATRIÈME ENNÉADE.


D’abord, il y a des essences qui sont tout à fait divisibles et naturellement séparables : ce sont celles dont aucune n’est identique ni à une autre partie, ni au tout, dont chaque partie est nécessairement plus petite que le tout : telles sont les grandeurs sensibles, les masses corporelles, dont chacune occupe une place à part, sans pouvoir être à la fois la même en plusieurs lieux.

Il existe aussi une autre espèce d’essence, qui a une nature contraire aux précédentes [aux essences tout à fait divisibles], qui n’admet aucune division, qui n’est ni divisée, ni divisible. Celle-ci ne comporte aucune étendue, pas même par la pensée ; elle n’a pas besoin d’être en un lieu, elle n’est contenue dans aucun autre être, ni en partie ni en totalité ; mais elle plane, pour ainsi dire, à la fois sur tous les êtres, non qu’elle ait besoin d’être édifiée sur eux[1], mais parce qu’elle est indispensable à l’existence de tous ; essence toujours identique à elle-même, elle est le commun soutien de tout ce qui est au-dessous d’elle. C’est comme dans le cercle, où le centre, demeurant immobile en lui-même, est néanmoins l’origine de tous les rayons qui en naissent et en tiennent l’être, et qui, participant ainsi tous de la nature du point, ont pour principe ce qui est indivisible et y restent attachés en s’avançant dans tous les sens[2].

Or, entre l’essence qui est tout à fait indivisible, qui occupe le premier rang parmi les êtres intelligibles, et l’essence qui est tout à fait divisible dans les choses sensibles, il y a, au-dessus du monde sensible, près de lui et en lui, une essence d’une autre nature, qui n’est point complètement divisible comme les corps, mais qui cependant devient divisible dans les corps[3]. Par suite, quand les corps sont partagés, la forme qui est en eux se divise aussi, mais de

  1. Sur cette expression, Voy. le livre suivant, § 22.
  2. Voy. ci-dessus, p. 225, note 1.
  3. Ce passage est cité et commenté par le P. Thomassin, dans ses Dogmata theologica, t. I, p. 248.