Page:Plotin - Ennéades, t. II.djvu/295

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
245
LIVRE NEUVIÈME.


-mêmes, nous voyons une nature pensante ; sinon, en croyant penser, nous serions dupes d’une illusion. Par conséquent, si nous pensons et si nous nous pensons nous-mêmes, en nous pensant nous-mêmes nous pensons une nature intellectuelle[1]. Cette pensée présuppose une pensée antérieure qui n’implique pas de mouvement. Or, comme ce sont l’essence et la vie qui sont les objets de la pensée, il doit y avoir, avant cette essence, une autre essence, et avant cette vie, une autre vie. Voilà ce que savent tous ceux qui sont des intelligences en acte[2]. Si les intelligences sont des actes qui consistent à se penser soi-même, nous sommes nous-mêmes l’intelligible par le fond véritable de notre être, et la pensée que nous avons de nous-mêmes nous en donne l’image.

7. L’Un est supérieur au repos et au mouvement[3].

Le Premier [l’Un] est la puissance du mouvement et

    si modo perfecte intelligit, agnoscit interea se intelligentem esse : ergo et intellectualem, qua sic intelligat se habere naturam. Hæc ipsa intellectualitas est intelligentia quædam, non tam in motu posita manifeste quam in statu nobis occulto. » (Ficin.)

  1. Cette phrase fait penser à cette célèbre définition de Descartes : « Qu’est-ce que je suis ? une chose qui pense. » (Méditations, II.)
  2. Philopon, dans son Commentaire sur le Traité de l’âme d’Aristote (fol. 1), fait allusion à ce passage de Plotin, qu’il cite en ces termes : « l’intelligence est en quelque sorte l’habitude la plus parfaite de l’âme. De là vient que Plotin dit, en parlant de l’intelligence : Quiconque a réalisé l’acte intellectuel (ὅστις ἐνεργήσεν) sait ce que je dis. Il paraît donc penser qu’un pareil état ne saurait être décrit par le langage. »
  3. Septima consideratio probat in primo omnium Principio nullum esse motum : non enim tendit in aliud, quod est primum penitus atque ultimum. Probat nec ibi esse statum, scilicet quietem, ad quam tendit motus, oppositam motioni. Unitas igitur ipsa et motum antecedit et statum. Antecedit ergo et actum intelligentiæ,