Page:Plotin - Ennéades, t. II.djvu/29

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
xxiii
TROISIÈME ENNÉADE, LIVRE VI.



LIVRE SIXIÈME.
DE L’IMPASSIBILITÉ DES CHOSES INCORPORELLES.

Ce livre comprend deux parties : 1° De l’impassibilité de l’âme ;De l’impassibilité de la matière et de la forme.

De l’impassibilité de l’âme[1]. (I-III) Dans la sensation, il faut distinguer la passion et le jugement : la première appartient au corps : le second, à l’âme. Étant une essence inétendue et incorruptible, l’âme ne peut éprouver aucune altération qui impliquerait qu’elle est périssable. Si l’on dit qu’elle éprouve une passion, il faut donner à ce mot un sens métaphorique, comme on le fait pour les expressions : arracher de l’âme un vice, y introduire la vertu, etc. En effet, la vertu consiste à ce que toutes les facultés soient en harmonie ; le vice n’est que l’absence de la vertu ; il en résulte que ni la vertu ni le vice n’introduisent dans l’âme quelque chose d’étranger à sa nature. En général, passer de la puissance à l’acte, produire une opération, n’a rien de contraire à l’inaltérabilité d’une essence immatérielle ; pâtir en agissant n’appartient qu’au corps. Il en résulte que les opinions, les désirs et les aversions, et tous les faits qu’on appelle par métaphore des passions et des mouvements ne changent pas la nature de l’âme.

(IV) On nomme partie passive de l’âme celle qui éprouve les passions,

  1. Michel Psellus résume en ces termes la première partie de ce livre : « Plotin affirme que l’âme ne partage pas les passions du corps : car l’artisan ne sent pas ce qu’éprouvent ses instruments. L’âme a besoin des sens : car, pour exercer les fonctions qui exigent le concours des organes, elle se sert des sens afin de connaître par leur ministère les objets extérieurs. Mais, comme l’âme est incorporelle, les passions du corps ne l’affectent pas, ou du moins, si elles l’affectent, elles ne modifient pas son essence, mais seulement ses facultés et ses actes. » (De Omnifaria doctrina, § 28, dans Fabricius, Bibliothèque grecque, t. V, éd. originale.) Dans le même ouvrage, Michel Psellos résume en ces termes le livre II de l’Ennéade I, sans toutefois nommer Plotin : Il y a trois espèces de vertus : les premières ornent l’homme, c’est-à-dire l’âme unie au corps ; les deuxièmes, nommées purificatives, détachent l’âme du corps et lui apprennent à rentrer en elle-même ; les troisièmes, appelées intellectuelles, élèvent à la contemplation des intelligibles l’âme parfaitement purifiée. Autre est la vertu de Dieu, autre celle de l’ange, autre celle de l’homme, car les vertus diffèrent comme les essences. L’âme a pour essence d’être raisonnable ; au-dessus d’elle est l’intelligence ; au-dessous d’elle l’âme irraisonnable, qu’on appelle l’image de la première. Les diverses classes des anges, en suivant les degrés de leur hiérarchie depuis les Séraphins, possèdent les vertus qui sont en harmonie avec leur rang. Quant à Dieu, il est au-dessus de toutes les espèces de vertus et de biens ; il est supérieur à toute perfection. » (ibid., § 48.)