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TROISIÈME ENNÉADE.


discursive, et, au-dessous d’elle, la sensation, qui toutes deux ont pour fin la connaissance. Enfin, au-dessous de la pensée discursive et de la sensation, il y a la nature qui, portant en elle-même un objet de contemplation, une raison [séminale], produit une autre raison [la forme visible][1]. Telles sont les vérités qui sont évidentes par elles-mêmes ou qu’on peut démontrer par le raisonnement. Il est clair d’ailleurs que, puisque les êtres intelligibles se livrent à la contemplation, tous les autres êtres doivent y aspirer : car le principe des êtres est aussi leur fin.

Quand les animaux engendrent, c’est que les raisons [séminales] agissent en eux. La génération est un acte de contemplation ; elle résulte du besoin de produire des formes multiples, des objets de contemplation, de remplir tout de raisons, de contempler sans cesse : engendrer, c’est produire une forme et faire pénétrer partout la contemplation[2]. Les défauts qui se rencontrent dans les choses engendrées ou faites de main d’homme ne sont que des fautes de contemplation. Le mauvais artisan ressemble à celui qui produit de mauvaises formes. Les amants, enfin, doivent être comptés au nombre de ceux qui étudient les formes et

  1. Voy. ci-dessus, § 1, p. 213. Le P. Thomassin commente élégamment ce passage : « Quidquid moliuntur in infimis animæ, ad summorum imitationem id effingunt : unde necesse est, dum hic operantur, ut illic contemplentur ; ut hæc illorum imitamina sint et quasi contemplamina, et ad hunc modum ad omnia se porrigat et ubique vigeat contemplationis imperium et idearum principatus. Lapsæ enim animæ regunt tamen adhuc, ornantque infima corpora ; nec regere autem satis idoneæ sunt, nec exornare, nisi incommutabilis veritatis œternas leges summœque pulchritudinis numeros imitandos ob oculos habeant. Denique nihil molitur ars, nihil natura, nisi ut spectaculum aliquod contemplanti admirandum exhibeat, id est, ut spectaculum intelligible fiat sensibile. » (Dogmata theologica, t. I, p. 319.)
  2. Voy. le passage de Platon cité ci-dessus, p. 103, note 3, et le passage d’Aristote cité dans les Éclaircissements du tome I, p. 332.