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TROISIÈME ENNÉADE.


que l’Âme a produit le temps avec l’univers : car c’est cette action même de l’Âme qui a produit cet univers. Cette action constitue le temps, et l’univers est dans le temps. Si Platon appelle aussi temps les mouvements des astres, il faut, pour comprendre le vrai sens de cette expression, se rappeler que ce philosophe dit ensuite que les astres sont faits pour indiquer les divisions du temps et nous permettre de le mesurer aisément.

En effet, comme il n’était pas possible de déterminer le temps même de l’Âme, de mesurer en elles-mêmes les parties d’une durée invisible et insaisissable, surtout pour des hommes qui ne savaient point compter, l’Âme a fait le jour et la nuit pour que leur succession permît de compter jusqu’à deux à l’aide de cette diversité. C’est de là, dit Platon, qu’est née la notion du nombre[1]. Ensuite, en remarquant l’espace de temps qui s’écoule d’un lever du soleil jusqu’au lever suivant, nous avons pu avoir un intervalle de temps déterminé par un mouvement uniforme, en tant que nous y attachons notre regard et que nous nous en servons comme de mesure pour mesurer le temps[2] ; je dis pour me-

    jours rien, et qu’il n’y a rien hors de Dieu que ce que Dieu fait. » (3e semaine, 3e élévation.)

  1. « Dieu alluma dans le deuxième cercle au-dessus de la terre cette lumière que nous nommons maintenant le soleil, afin qu’elle brillât du plus vif éclat dans toute l’immensité des cieux, et qu’elle fît participer à la connaissance du nombre, reçue de la révolution de ce qui reste toujours le même et semblable à soi-même, tous les êtres vivants auxquels convient cette connaissance. C’est donc ainsi et pour ces raisons que naquirent le jour et la nuit, qui sont la révolution du mouvement circulaire unique et le plus sage. » (Platon, Timée, p. 39 ; trad. de M. H. Martin, p. 107.
  2. « Élevez donc ma pensée au-dessus de toute image des sens et de la coutume, pour me faire entendre, dans votre éternelle vérité, que vous, qui êtes Celui qui est, êtes toujours le même, sans succession ni changement, et que vous faites le changement et la succession partout où elle est. Vous faites par conséquent tous les mouvements et toutes les circulations dont le temps peut être la mesure. Vous voyez dans votre éternelle intelligence toutes les circulations différentes que vous pouvez faire, et les nommant, pour ainsi dire, toutes par leurs noms, vous avez choisi celles qu’il vous a plu pour les faire aller les unes après les autres. Ainsi, la première révolution que vous avez faite du cours du soleil a été la première année, et le premier mouvement que vous avez fait dans la matière a été le premier jour. Le temps a commencé selon ce qu’il vous a plu, et vous en avez fait le commencement tel qu’il vous a plu ; comme vous en avez fait la suite et la succession que vous ne cessez de développer du centre immuable de votre éternité. » (Bossuet, 3e semaine, 3e élévation.)